Hisser la grand voile avec Renaud Metzger

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Publiée le mer 29/06/2022 - 10:10 / mis à jour le jeu 06/10/2022 - 11:25

La pratique de la voile, lorsque l’on est en situation de handicap, n’est pas une activité facile d’accès, même au bord de la Méditerranée. Pourtant, à l’image de l’association « Voiles au Large » et de la Société Nautique de la Ciotat, de nombreuses structures existent. Suivez l’un de nos rédacteurs Renaud Metzger pour un baptême immersif. 

Cela fait quelques temps que j’avais envie de prendre le large. À vivre près de la mer, on en oublie parfois qu’elle nous offre la possibilité de changer de point de vue, et de découvrir autrement ces superbes côtes que le monde entier nous envie.
Voici bientôt 20 ans que je partage ma vie avec une prothèse de jambe. Malgré mon allure de pirate des temps modernes, je n’avais jamais vraiment navigué. Un matin, je me suis levé et j'ai pris contact avec la Société Nautique de La Ciotat qui organise, depuis une quinzaine d’années, des activités handi-valides sur sa base nautique située en plein coeur du Port de La Ciotat. L'occasion de devenir un vrai Jack Sparrow !

Mon yacht du jour sera un Mini JI. Ce petit « quillard » est une réplique à l’échelle 1/7 des « 12 Mètre JI », ces bateaux qui concourent lors des Coupes America. Il est insubmersible et inchavirable, parfait pour rassurer le marin d’eau douce que je suis.  
Ce qui est génial avec ce format de bateau, c’est qu’il permet de concourir dans une situation réelle d’égalité. Le Championnat de France de la catégorie est d’ailleurs handi-valide. Cette idée me plait particulièrement. Depuis que je suis handicapé, j’ai toujours eu beaucoup de mal avec les classifications, les séparations et ce format semble fait pour équilibrer les différences tout en tirant les pratiquants vers le haut. Parfait !

Après la découverte du bateau, vient le temps des premiers conseils prodigués par Mathieu, notre accompagnateur du jour. Il me parle grand voile, foc, bout, bôme, des termes qui vous mettent tout de suite dans le bain. Tout en essayant de retenir ses conseils, je discute avec mes compagnons du jour. Ils sont au nombre de 3 et se prénomment Miriam, Nicolas et Tristan. Miriam navigue depuis maintenant 6 ans, après avoir découvert l’association lors d’une journée porte ouverte. « Il nous faut plus de structures handi-valide » me confie-t-elle, « c’est saoulant d’être toujours entre handicapés. Ce qui est important c’est d’être comme tout le monde de temps en temps ».

Hisser la grande voile

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Voile à La Ciotat

Il est temps de nous glisser dans nos bateaux respectifs, avec l’aide délicate et adaptée des bénévoles de l’association et de la SNC même si, à mon grand étonnement, l’installation me semble très simple. Après les dernières recommandations de Mathieu, nous prenons la mer. 
Au bout de quelques centaines de mètres tractés par le bateau accompagnateur, les amarres sont larguées et je me retrouve seul à la barre, au milieu de l’une des plus belles baies du monde. En quelques minutes, le plaisir est là. La prise en main du bateau est intuitive et je commence à giter assez pour ressentir cette sensation de karting de la mer dont m’avait parlé Nicolas, un membre du groupe. Avec la position basse du bateau, la moindre vaguelette devient une montagne. 
Nous prenons tranquillement la direction de l’Ile verte, portés par un petit vent de sud-est. Je me surprends à sourire seul de ce sentiment de liberté, de calme que m’offre la navigation à la voile et du plaisir que procure le bateau. 3,65 m seulement mais l'impression que ce frêle esquif est bien plus grand, et que je serai capable de traverser la Méditerranée si la balade se poursuivait. 

Arrivés au au large de l’Île Verte, nous découvrons une face de l’île que je ne connaissais pas, faite de petites criques et de refuges naturels. À quelques encablures de là, c’est la calanque du Mugel et  son immense falaise qui se dévoilent à moi. Un spectacle magnifique. 
 

Un vent de liberté

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Voile

Après deux heures de navigation, et malgré la beauté du lieu dans lequel nous évoluons, vient le temps de rentrer au port, à la voile, comme le vrai marin que j’ai l’impression d’être devenu. Nous nous mettons alors en direction du port à petit rythme, en longeant les portiques mythiques des chantiers navals, admirant les énormes yachts venus du monde entier se refaire une beauté sous le soleil de Provence. Après quelques changements de cap, pour profiter au mieux de la brise qui nous ramène vers la terre, nous entrons enfin dans le port, en file indienne. Les derniers mètres sont parcourus difficilement mais qu’importe, la matinée en valait largement la chandelle.
Pendant que nous dégréons nos bateaux, je discute avec Thierry. « Je fais de la voile depuis 2016. Je voulais vraiment naviguer mais les clubs que je trouvais ne proposaient que des promenades aux handicapés. Avec Voiles au Large et le mini JI, j’ai trouvé une vraie autonomie. Parce que ce que j’aime vraiment, c’est être le seul maître à bord ! »

C’est vraiment ce sentiment de liberté et le plaisir de naviguer pour soi-même qui m’auront le plus marqué lors de cette journée de navigation, ainsi que l’accueil et la qualité d’écoute des personnes que j’ai rencontré. Tout au long de la journée, j’ai pu naviguer en toute liberté, aux côtés de personnes dont les difficultés personnelles semblaient avoir disparu une fois sur l’eau. Cette sensation, je ne l’avais plus ressenti depuis longtemps. 
Il se pourrait donc bien que je réédite l’expérience très bientôt, en espérant que nous serons encore plus nombreux, handicapés et valides, à naviguer ensemble « sous le vent… ».
 

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