La transhumance en Provence
Publiée le jeu 31/07/2025 - 16:26 / mis à jour le jeu 31/07/2025 - 16:38
Entre traditions séculaires et pratiques modernes, la transhumance et le pastoralisme font partie intégrante de l’identité provençale. Pour mieux comprendre ce monde à part, nous avons rencontré Émilie, bergère passionnée dans la plaine de la Crau.
Une tradition provençale
Transhumance, pastoralisme… mais de quoi parle-t-on ? Le pastoralisme est une façon traditionnelle d’élever des animaux, principalement des brebis, en les faisant paître librement dans la nature. Selon les saisons, les bergers déplacent leurs troupeaux : en été, direction la montagne pour trouver de l’herbe fraîche et des températures plus supportables, tandis qu’à l’automne, les animaux retournent dans les plaines pour passer l’hiver. Ce voyage des plaines aux alpages s’appelle la transhumance et se pratique en Provence depuis des siècles ! Elle est d’ailleurs inscrite officiellement au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO, notamment grâce au travail de la Maison de la Transhumance, qui œuvre pour défendre la pratique de la transhumance.
Au-delà de son aspect traditionnel, le pastoralisme aide aussi à protéger la nature. En broutant, les animaux empêchent les plantes envahissantes de tout recouvrir, ce qui préserve les paysages, limite les risques d’incendie et favorise la biodiversité. Rien que ça
Émilie Imbert Proust, une bergère dans la Crau
Pour bien comprendre en quoi consiste l’élevage pastoral et la transhumance de nos jours, nous avons rencontré une éleveuse de la plaine de la Crau. Et c’est passionnant. On vous raconte !
Depuis toute petite, Émilie Imbert Proust était certaine d’une chose : elle serait bergère. Aujourd’hui, du haut de ses 41 ans, elle vit pleinement sa vocation. Fille d’éleveur, elle est installée à Salon-de-Provence depuis 2006 et élève aujourd’hui 1200 brebis Mérinos d’Arles. Si elle a repris le cheptel familial, Émilie a tenu à tracer sa propre route, avec conviction et persévérance.
Pourtant, ses parents l’ont d’abord poussée vers un parcours scolaire plutôt classique. Elle joue le jeu, passe par un cursus général, mais ne lâche pas son rêve. Après deux ans d’apprentissage chez un grand éleveur à Istres, elle se lance dans le parcours d’installation, « un vrai parcours du combattant ! » nous confie-t-elle, pour lequel elle reconnait volontiers l’utilité des connaissances justement acquises en cursus général…
Émilie, c’est une passionnée des brebis… ET de camions. Très vite, elle passe ses permis pour pouvoir assurer elle-même les transhumances. En effet, la majorité des éleveurs font désormais la transhumance en camion : après une tentative par le train dans les années 50, qui n’a pas bien fonctionné en raison de l’incertitude des grèves, les années 70 ont vu la circulation routière considérablement augmenter et des arrêtés préfectoraux ont fini par interdire la transhumance à pied.
Néanmoins, le cycle traditionnel de la transhumance est resté le même pour suivre logiquement les saisons et la fraicheur de l’herbe. Pendant l’automne et l’hiver, les brebis profitent des prairies humides de la Crau et de leur nourriture abondante. C’est le moment idéal pour l’agnelage, qui est alors “désaisonné”, puisqu’il n’a pas lieu au printemps, mais bien entre octobre et février. À la fin de l’hiver, les troupeaux migrent vers la Crau sèche dit “coussoul” et, à partir de juin, font la transhumance en camion en direction des alpages pour passer l’été au frais et brouter la bonne herbe des montagnes.
Pour les éleveurs comme Émilie, le camion n’est pas seulement un gain de temps : c’est aussi une sécurité. Les brebis montent sans stress, savent où elles vont, et fuient la chaleur des plaines pour retrouver l’altitude, où elles sont bien.
Émilie insiste : « Ces brebis, ce sont notre patrimoine. On les aime et on en prend vraiment soin ».
Ces brebis, ce sont notre patrimoine. On les aime et on en prend vraiment soin.
Si le métier de bergère est plutôt solitaire, la communauté qui se cache derrière est particulièrement soudée. Il y a dix ans, deux éleveuses étaient invitées à défiler à la fête folklorique de Saint-Martin-de-Crau. Elles ont accepté… à condition qu’elles puissent défiler avec toutes les bergères du coin ! « Je ne les remercierais jamais assez pour cette merveilleuse idée » nous confie Émilie. En effet, beaucoup d’entre elles ont répondu à l’appel et de ce premier défilé en groupe est né la communauté des Bergères en Folie, qui réunit une cinquantaine d’éleveuses. « Elles sont comme ma deuxième famille » nous dit Émilie, qui a même inscrit leurs prénoms directement sur son camion !
Pour les rencontrer et les voir défiler, rendez-vous en mai à la fête du printemps de Saint-Martin-de-Crau.
Envie de marcher dans les pas des bergers ?
Tout près de Salon-de-Provence, le sentier de la Pastorale vous invite à une balade accessible à la découverte d’anciens lieux de vie pastorale et de vieilles bories, ces petites cabanes de pierres typiquement provençales qui servaient d’abris aux bergers et à leur matériel. Pour les grands marcheurs, le GR®69 dit “La Routo” est incontournable : cet itinéraire de 540 km relie la Camargue à l’Italie en suivant d’anciennes drailles, qui sont des chemins historiquement dédiés au passage des troupeaux en transhumance.
Alors, on vous dit à bientôt sur les sentiers de Provence ?


