Dans notre département, les garrigues provençales produisent des trésors culinaires et médicinaux : les plantes aromatiques. Pour les ramasser, des cueilleurs arpentent, chaque été, des morceaux de territoire. Julie Dixon opère sur Jouques et ses alentours. Portrait.
Jouques, petit village parfumé de Provence
Jouques, joli village situé aux confins des Bouches-du-Rhône inondé de lumière toute l’année, est le berceau d’héritages naturels (champs de lavande, vignes, oliviers) et historiques (traversé par l’ancien canal du Verdon, moulins). De jolis ponts en pierre enjambent le Réal, un ruisseau qui traverse le village. Les collines proches exhalent les parfums de toutes sortes de plantes aromatiques : romarin, thym, sauge et lavandin. L’unique distillerie du 13, le Moulin Saint-Vincent continue de produire des huiles essentielles dont celle de l’incontournable lavande et se visite certaines périodes de l’année. Ici comme ailleurs, des métiers insoupçonnés, hors de portée de nos vies urbaines, se déploient à compter du printemps. Il en va ainsi du métier de cueilleur.
Julie, une cueilleuse passionnée
La rencontre avec Julie Dixon s’est faite autour d’une cueillette de romarin pour un de ses clients Maison Laget (une herboristerie traditionnelle) dans la garrigue non loin de l’Abbaye de Notre Dame de fidélité qui surplombe Jouques.
Elle semblait si sereine et en accord avec la nature qu’elle frôlait de sa faucille, concentrée et vive, remplissant à vue d’œil ses sacs de romarin. Une cueilleuse de plantes sauvages. Une activité saisonnière et règlementée qui commence, pour elle, début mai avec le thym et finit, fin août avec le laurier, la sarriette et la carotte sauvage. Activité nécessaire car la cueillette permet d’assainir la garrigue et pallie le manque de bergers.
« Mon travail c’est de l’observation, de la patience et beaucoup d’heures pliée en deux, faucille à la main, au soleil »
« Mon travail c’est de l’observation, de la patience et beaucoup d’heures pliée en deux, faucille à la main, au soleil » nous résume-t-elle. La nature, elle est tombée dedans depuis sa naissance.
« On a toujours eu des chevaux à la maison, mes grands-parents avaient des chevaux et je soignais leurs plaies avec des infusions de plantes comme d’autres jouaient au médecin. J’ai appris à travers des lectures et de façon intuitive en observant les résultats et en gardant ce qui marche. » Un exemple ? Le genévrier devient un très bon désinfectant si l’on fait bouillir son bois.
Franche, de nature taiseuse comme toutes ces personnes qui se suffisent à elles-mêmes, elle prend le temps de répondre en peu de mots, bien ciblés. Elle aime la solitude, les lieux sauvages « Il faut être une solitaire pour partir cueillir à 5 h du matin. » Elle vit entre Vauvenargues et Jouques dans une garrigue de chênes verts, de cigales et de pins, un endroit reculé, un bout de colline qui la rend heureuse. C’est une vie à part, en décalage.
De la cueillette à la distillation
« Il faut être passionné pour faire ce métier et…un peu fada. Je me lève aux aurores et je pars avec pour seuls compagnons la lune et les levers de soleil » D’ailleurs utilise-t-elle la lune pour savoir quand cueillir ? « Je m’appuie sur le calendrier lunaire. Je note, je compare : un croissant descendant va être bon pour le thym mais pas forcément pour le romarin. Mais tout peut bouger alors je teste. Rien n’est figé. On se rend vite compte qu’on n’est maître de rien. » Elle se fie toujours à son bon sens et à sa sensibilité. Une sensibilité née de l’observation. Cueillir, chercher, observer, essayer et recommencer encore. La distillation est une grande loterie.
« C’est la rencontre avec un vieux distillateur de la Drôme qui m’a mis ce grain de folie et qui m’a poussé sur ce chemin. »
Armée de sa faucille trouvée sur la brocante de Apt « légère, elle a au moins 60 ans, c’est une vraie merveille » elle cueille en sauvage du thym, romarin, sarriette, lavande, lavandin, carotte sauvage, genévrier et lavande aspic. « La lavande aspic a une odeur que j’adore, celle d’un bonbon, très délicate. » Une sélection du meilleur que la Provence peut donner. Petit rythme, petits rendements, petits volumes mais une vibration des huiles inégalée. « A la distillation il y a un meilleur rendement entre ce qui est collecté à la main et ce qui est récolté à la machine. La plante donne le meilleur d’elle-même quand on rentre en relation avec elle. »
Pour se mettre dans les pas de Julie, l’office de tourisme de Jouques propose régulièrement des sorties nature avec l’association Jouques Action Biodiversité accompagnées par des gardes nature du Grand Site Concors Sainte Victoire : la crête des Ubacs, la vallée du Réal, l’ancien canal du Verdon…
Vous pouvez retrouver sur le site de l’office de tourisme de Jouques des idées de randonnées comme « se balader à travers champs » au départ du Moulin St Vincent ou « randonner sur le plateau des Bèdes », une boucle de la Vautubière.
Bureau municipal de tourisme de Jouques : 04 42 63 75 04
La cueillette en milieu naturel suppose modération et vigilance. Veillez toujours à couper et surtout ne pas arracher.