À l’occasion de la représentation de TORPEUR, dernière création d'Angelin Preljocaj, la danseuse Florette Jager nous a ouvert les portes du Pavillon Noir à Aix-en-Provence. Échauffement, classe, répétition : nous l’avons suivi tout un après-midi et avons découvert son quotidien extraordinaire de danseuse professionnelle.
Le Pavillon Noir est un lieu qui intrigue et ne laisse personne indifférent. Vaisseau massif de verre et de béton (pensé par Rudy Ricciotti), ce bâtiment abrite la compagnie de danse à la renommée mondiale d'Angelin Preljocaj depuis 2006. Sur la grande place extérieure, quelques danseurs profitent des rayons de soleil chauds de ce mois d'octobre pour se restaurer rapidement pendant leur pause déjeuner. Les portes s'ouvrent et se ferment, et laissent s'engouffrer les quelques trente personnes qui s'emploient à gérer quotidiennement le fonctionnement du ballet. C'est là que Florette Jager, danseuse professionnelle de 28 ans au parcours remarquable, nous retrouve pour nous conduire dans cette fourmilière.
Originaire de Trets, petit village niché à 20 minutes d’Aix-en-Provence, Florette a très tôt compris que la danse allait rythmer sa vie. Inscrite à l’école de son village à 4 ans, elle prend l’habitude d’assister en famille aux spectacles chorégraphiés par Angelin Preljocaj, établi à Aix depuis 1996. La passion de cette pratique s’installe progressivement, et fait rapidement place à la vocation. Hypersensible et dissipée, elle parvient à se canaliser dans les cours de classique qui lui apportent structure et rigueur. Ce sport lui permet de mieux gérer les émotions qu’elle a parfois du mal à exprimer, en les extériorisant par le biais de son corps. « La danse est devenu un véritable besoin, une nécessité. Quand j’arrête de danser pendant plusieurs jours, mes tics peuvent revenir. Quand je danse, tout cela disparait. »
Les années passent et les concours se multiplient. Tantôt considérée trop petite, les jambes pas suffisamment arquées ou avec un cou-de-pied trop subtil, les juges la dévalorisent au profit de ses compétitrices. Encouragée sans relâche par sa famille et sa professeure qui lui distinguent un fort potentiel, Florette persiste. « Ces résultats pouvaient être démotivants, ils ne me glorifiaient pas, mais cela me permettait de savoir exactement ce sur quoi je devais travailler. » Après avoir tenté des auditions dans plusieurs conservatoires, elle se dirige vers le concours pour la prestigieuse école Rudra Béjart à Lausanne, dans laquelle elle est directement admise. L'institution lui prodigue des apprentissages multiples - danses classique et contemporaine, arts martiaux… - qui lui permettront de développer son âme d’artiste-interprète, et de lui conférer une technique minutieuse.
Le ballet Preljocaj comme une évidence
Après 3 ans dans la compagnie Sibiu en Roumanie, dans laquelle Florette s’essaye à de nombreux ballets du répertoire, elle remarque l’ouverture d’admissions pour le ballet Preljocaj à Aix-en-Provence. Déterminée à entrer dans cette compagnie qu’elle chérit depuis son plus jeune âge, elle passe les auditions avec brio. « Il y’a très peu de chances quand on est danseur de parvenir à atteindre la compagnie que l’on admire le plus, et qui plus est, que celle-ci soit située dans la région dans laquelle on a grandit. »
Ce qui lui a toujours plu dans cette compagnie, c’est l’énergie du style d’Angelin Preljocaj : une danse qu’elle qualifie de parfaitement maitrisée et rigoureuse, qui conserve une immense place pour s’exprimer. Contrairement aux ballets qu’elle côtoyait jusqu’alors, où l’objectif était de faire corps avec l’ensemble et de ne surtout pas se démarquer, elle explique qu’avec Preljocaj, la volonté est de travailler non pas avec des danseurs mais avec des personnalités, qui puissent incarner des émotions.
Angelin n’a jamais eu peur de prendre des risques dans ses pièces, que ce soit artistique ou chorégraphique
C’est d’ailleurs dans cette caractéristique précise que la compagnie Preljocaj cultive l’une de ses spécificités. En s’entourant de la choréologue Dany Lévêque, Angelin Preljocaj fait retranscrire l’ensemble des mouvements de ses créations par écrit, consignés sur des partitions. Les chorégraphies ainsi retranscrites restent soumises à interprétation. Le danseur qui apprendra cette partition a posteriori pourra être libre d’y apporter son émotion.
Une journée au Pavillon Noir
Quand la compagnie n’est pas en tournée, c’est donc dans le Pavillon Noir situé en face du Grand Théâtre de Provence, que Florette passe la majeure partie de son temps. Les journées défilent entièrement en mouvement, rythmées par des échauffements matinaux, puis par des classes enseignées par différents intervenants invités au gré des saisons.
Ce jour là, Béatrice Martel, soliste à l’Opéra National de Paris était présente pour prodiguer une classe de danse classique. Au quotidien, ce sont des cours divers qui permettent aux danseurs de s’exercer dans plusieurs domaines, et de s’épanouir dans tous les styles afin d’aiguiser leur pratique.
Suivent ensuite des répétitions, pour perfectionner les pièces du répertoire, ou en intégrer de nouvelles avec le concours du prolifique Angelin Preljocaj. Chaque mois, des répétitions publiques sont proposées en entrée libre au Pavillon Noir, l'occasion parfaite de découvrir le quotidien des danseurs de la compagnie.
Pour les danseurs du ballet, c’est une véritable deuxième maison. Un espace dans lequel ils travaillent au quotidien, un lieu vivant qui leur permet de tendre vers une pratique toujours plus perfectionnée. Une aubaine pour Florette Jager qui conclue « quand on rentre d’une tournée, j’ai la chance d’avoir le sentiment de véritablement rentrer chez moi ».
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