La Provence est multiple, comme les traditions qui la parcourent. Dans chaque village, dans chaque hameau, les traditions sont centenaires et célèbrent une culture vivante et populaire. Nous sommes début juillet et le petit village de Roquefort-la-Bédoule est en ébullition.
Les fêtes votives, une tradition provençale
En Provence, les Cavalcades sont une tradition centenaire. Toujours organisées autour de la figure de St Éloi, elles célèbrent l’identité provençale, les charretiers et plus généralement la relation entre humains et chevaux. Dans tous les villages, on y retrouve ces défilés populaires, composés de chevaux, d’ânes, de charrettes, de chars, de fifres*, de tambourinaïres*, de gens costumés. Et dans chaque village, on célèbre ces Cavalcades différemment. « Il n’y a pas une Cavalcade plus belle que les autres. Elles sont toutes différentes, mais toutes belles. » me dit Jonathan, mon guide du jour, en charge de l’organisation du défilé. Parce que les cavalcades ont toutes leurs particularités. Chacune est l’expression du village qui l’organise, des gens qui la font vivre. C’est un moment festif qu’on ne raterait pour rien au monde pour celui ou celle qui connait la ferveur d’une Cavalcade provençale.
Depuis l’aube déjà, Jonathan accueille les charretiers venus des villages alentours. Parce que les Cavalcades, c’est avant tout une question d’interdépendance entre les villages. « À La Bédoule, on possède 3 chevaux. Sans les autres villages, on ne fait pas de cavalcade. Tout le long de l’année, on prête des chars, on amène des hommes et des bêtes, on fait toujours en sorte de participer aux cavalcades des autres villages. C’est comme ça qu’on a réussi, cette année, à présenter plus de 100 ânes et chevaux pour le défilé. »
La Cavalcade, un défilé de couleurs
Depuis plusieurs jours déjà, Roquefort-la-Bédoule s’est paré de ses plus beaux atours. Partout dans le village, les habitants ont décoré les maisons pour participer à leur manière, à une journée centrale dans la vie de leur commune. On a déployé les couvertures piquéEs richement brodées sur le rebord des fenêtres. Des drapeaux et des guirlandes aux couleurs de la Provence sont accrochés aux persiennes. Le long de la rue principale, les fanions de tissus rouge et jaune, caractéristiques des fêtes de St Éloi, sont venus garnir les lampadaires.
La matinée avance et vers 10h30, tout semble s’accélérer. On voit déjà, depuis une heure, de plus en plus de monde costumé dans les rues du village. On se sent comme transporté il y a un siècle. Les plus belles jupes piquées et les coiffes d’un blanc immaculé sont de sortie et viennent embellir les femmes de tout âge. Pour les hommes, la mode est à la taillole* ou à la blaude*, en fonction de leur rôle à venir dans le défilé.
Sur la longue avenue qui traverse le village, tout le monde se presse pour trouver la meilleure place, saluer les amis et participer à la fête qui arrive. Le bruit des sabots lui aussi se fait plus présent et vient rythmer les discussions au centre du village. On sent que la grande cavalcade est prête à commencer.
Tout d’un coup, sortant de l’église, on voit apparaître le Capitaine de Cavalcade, portant haut la bride*, symbole de cette relation entre l’Humain et le Cheval, centrale dans le symbolisme de cette fête. Et derrière lui, on entend les premières notes des mélodies entonnées par les Fifres et Tambours de Signes. C’est le coup d’envoi d’un défilé qui durera 2 heures. Derrière les attelages de chevaux, on voit apparaître les chars fleuris, typiques de la fête bédoulens.
Le Fifre : C'est une petite flûte traversière à 6 trous au son aigu et au timbre perçant, utilisée autrefois dans les fanfares militaires. Aujourd'hui, les Fifres et Tambours de Signes se déplacent dans toutes les cavalcades du Département pour entonner leurs airs reconnaissables entre mille.
Le Tambourinaïre : cette figure emblématique de la tradition provençale est un musicien, joueur de tambourin-galoubet, qui se produit, entre autre, durant les fêtes traditionnelles provençales.
La Taiolle : c'est une ceinture de laine, généralement rouge, typique des costumes provençaux masculins. Elle est enroulée plusieurs fois autour de la taille pour tenir le pantalon.
La Blaude : c'est une grande chemise, souvent de couleur bleue, portée notamment par les charretiers.
La Bride : c'est la pièce du harnais fixée à la tête du cheval pour le diriger. Les plus remarquables sont richement décorées et sont utilisées dans les festivités liées aux Cavalcades de Provence.
« A La Bédoule, on crée des chars fleuris, exclusivement sur le thème de la Provence, et ça fait 40 ans que ça dure. C’est deux mois de travail! » me raconte Jonathan. Et toutes les familles qui participent aux festivités sont mises à contribution. Durant ces deux mois, on se retrouve autour de la table de la cuisine pour confectionner des centaines, des milliers de fleurs en papier crépon qui viendront décorer les chars imaginés depuis le début de l’année. Les thèmes sont traditionnels ou plus modernes, mais toujours provençaux. Faits de toutes ces fleurs de papier, on y découvre un calisson géant, une reproduction de la fameuse partie de carte rendue célèbre par Marcel Pagnol, un conseil municipal plus vrai que nature, et même la fameuse Coupe aux Grandes Oreilles si chère aux supporters olympiens. Sur chaque char, des enfants font vivre les créations, suivies par les familles qui ont participé à leur confection. Parce qu’avant tout, la Cavalcade est une histoire de transmission entre les générations.
Les Cavalcades : une histoire de village
« J’ai commencé les Cavalcades à l’âge de 4 ans. J’ai compris qu’il se passait quelque chose, et j’ai eu envie d’y participer. Ca fait 35 ans maintenant que ça dure! » me dit Jonathan, à l’ombre des pins le lendemain de la fête. Autour de nous ce soir-là, une centaine de personnes, de tous les âges, se retrouvent pour fêter la réussite des festivités de la veille. Avec mon hôte du weekend, on parle ensemble de ce lien entre les générations.
« Les Cavalcades, c’est une éducation. On y est parce que nos parents y étaient, et aujourd’hui, on a envie d’accueillir la jeunesse, parce que c’est elle qui nous poussera, qui nous remplacera. C’est d’abord une question de transmission ». Pour Jonathan, et pour tous ceux avec qui j’ai pu discuter ce jour-là, la fête est le reflet de celles et ceux qui l’organisent. « Préparer une fête comme ça, ce sont des mois de travail. Et ça permet aussi aux Bédoulens de partager des moments communs, et aux nouveaux habitants de s’intégrer à la vie du village. On est tous bénévoles. On passe beaucoup de temps à la préparation de cette fête. On a tous nos métiers, nos familles. Et tout se joue sur l’humain. Il faut d’abord prendre du plaisir à organiser ces fêtes ». Du plaisir, j’en ai ressenti tout au long de cette journée passée au contact de ces femmes et de ces hommes et c’est ce qui rend cette fête si particulière.
Pour tout dire, vous décrire une Cavalcade dans son intégralité, ce serait presque dénaturer quelque chose qui se vit, comme spectateur, ou comme acteur, peu importe, tant qu’elle est vécue, racontée et perpétuée. C’est une somme d’efforts, de sourires, et de moments qui font vivre une commune des mois durant. « La fête n’appartient à personne. Elle appartient au village ! » me confie Jonathan alors notre discussion s’achève, à l'ombre des pins, bercés par le chant vespéral des cigales bedoulens.
La fête n’appartient à personne. Elle appartient au Village !
Alors si par chance, ou par envie, vous souhaitez vous plonger dans le coeur vivant de la Provence, regardez près de chez vous. Tout le long de l’été, des villages s’animent pour célébrer les traditions et les habitants de notre belle région. Vous y croiserez sûrement le visage de Jonathan et de tous ceux qui m’ont rendu la Provence vivante le temps d’une journée. Vous pourrez, une fois que vous aurez vécu ça, lancer à ceux que vous avez rencontré : « A l’an que vèn ! Se sian pas mai, que siguèn pas men ! ».
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