A Maussane, le moulin Cornille conservatoire de la tradition oléicole

Le bal des mouliniers a débuté le 15 octobre dernier. Après analyse des premières olives, le syndicat des oléiculteurs de la vallée des Baux a donné le top départ de la collecte à ses adhérents et, depuis, ils sont des centaines à apporter les fruits de leur récolte au moulin Jean-Marie Cornille.

« Cette bâtisse aux lourds et épais murs de pierre, est un emblème et une fierté ; ce fut d’abord au XVIIe siècle un moulin à blé, propriété des seigneurs de Manville, puis il fut, 3 siècles durant, moulin privé avant de devenir une coopérative en juin 1924, raconte Stéphanie Martinez, en charge de la commercialisation des huiles produites sur place. Au départ, on comptait 5 coopérateurs, ils sont plus de 700 aujourd’hui, et certains ne possédant que 2 ou 3 arbres ! ».

Après les petits volumes d’olives ramassés en 2022 et 2023, conséquence directe de la sécheresse, le millésime 2024 rejoint des niveaux « corrects » selon André Camous, président de l'association des Amis du Moulin Cornille. « On a fait 750 tonnes à la mi-novembre et on atteindra les 900-1000 tonnes à la fin décembre », rassure le coopérateur, par ailleurs en charge de l’exposition permanente autour de l’olivier et des huiles de la vallée des Baux, visible au sein même du moulin.

La coopérative demeure l’un des plus ardents défenseurs des huiles dites « goût à l’ancienne » ou « olives maturées », typiques de la Provence. Ces huiles sont obtenues à partir d’olives pressées entre 3 et 10 jours après récolte.

« Quelques gouttes sur un fromage de chèvre avec des herbes de Provence, suffisent pour magnifier une fin de repas ». Jean-Marie Cornille, qui fut directeur du moulin de 1969 à 1990, figure du monde agricole et militant de ce goût à l’ancienne, a beaucoup œuvré pour sa reconnaissance et sa promotion.

« Ici, on fait le châteauneuf-du-pape de l’oléiculture. », assène André Camous. « Les grands noms de la cuisine, parmi lesquels notre voisin Alaïs Vaubourg de la Cabro D'or, viennent chercher leurs huiles ici. », confirme Stéphanie Martinez.

« Et à chaque recette son huile. Le fruité maturé convient aux assaisonnements bien sûr mais se prête aussi aux cuissons jusqu’à 180°C.».

Le fruité vert, issu d’olives pressées sitôt cueillies, sera destiné à un poisson de Méditerranée, simplement grillé ou en croûte de sel, voire un facile carpaccio de saint-jacques.
Labellisé en 1997 AOP vallée des Baux-de-Provence, le moulin est aussi une Entreprise du patrimoine vivant, incarnation de son importance dans le paysage agricole local. Pour satisfaire aux obligations de l’AOP, les oléiculteurs exploitent des oliveraies d’aglandau, verdale des Bouches-du-Rhône, de picholine, salonenque et grossane. « Seules 17 communes dans un rayon de 30 kilomètres peuvent prétendre à l’AOP, il nous arrive de presser des olives ramassées au-delà, jusqu’à 80 kilomètres, mais elles ne seront pas labellisées vallée-des-Baux », sourit André Camous.
 

L’exposition permanente visible au premier étage du moulin a demandé un an et demi de travail et l’exploration minutieuse de nombreuses archives, conservées dans les greniers depuis plusieurs siècles. En un an, deux mille visiteurs au moins l’ont déjà parcourue. "Nous voulons transmettre ce patrimoine, surtout auprès des enfants », explique André Camous. Autonome ou guidée, le parcours débute par la découverte d’un imposant tronc d’olivier, son système racinaire et les différentes variétés d’olives cultivées dans la vallée.

De la diète méditerranéenne à la préservation de l’environnement, jusqu’à la collecte des déchets de l’olivier, l’expo fait le point sur de nouvelles opportunités de recyclage des grignons (les restes de la pâte d’olive pressée) et des margines (l’eau qui reste en déchets).

Stéphanie Martinez souhaite accentuer l’interactivité avec le public, « plus de son, plus d’images car ce sujet vieux de plus de 3000 ans doit être présenté avec beaucoup de modernité ». Des jeux pour distinguer les différentes variétés d’huile, pour « toucher à l’aveugle » des écorces, noyaux et autres matières mystérieuses créent la surprise. « Et la meule en pierre, elle marche encore ?, questionne Thomas, 7ans. Non, nous ne l’utilisons plus pour des raisons de normes et d’hygiène », répond Stéphanie incollable sur les pressions à froid et la centrifugeuse qui sépare l’eau de l’huile…

« L’olive en Provence, ce sont les Grecs qui l’ont introduite lorsqu’ils se sont implantés à Saint-Blaize », souffle André Camous. Encore un mystère sur lequel l’exposition lève le voile.