Il défend les blés de tradition française, cultivés dans le respect du vivant, de la terre et des hommes. Adepte du blé sitôt moulu sitôt pétri, le boulanger marseillais ouvrira bientôt à Aix-en-Provence une quatrième boutique. Entre prises de position, conviction et confidences, Pierre Ragot voit grand et loin.
“Chaque boulanger doit avoir son style, sa signature, son identité ; la boulangerie, c'est une remise en question permanente“. Des débuts dans sa petite boulangerie du Vallon des Auffes à son enseigne d’Endoume, Pierre Ragot résume le chemin parcouru en 13 ans : "Du travail, énormément de travail”.
Les premières années de ce Parisien, installé à Marseille par amour pour son épouse, n’ont pas été faciles : "Je m’ennuyais, il n’y avait pas assez de clients. Pour m’en sortir, j’ai fait la tournée des chefs et des hôtels car beaucoup travaillaient avec du surgelé. J’ai été bien accueilli et ça a décollé”.
Pierre Ragot ne revendique pas le titre de boulangerie bio “car ce qui fait sens pour moi, c’est de travailler produit par produit, a minima en local, sinon en bio comme nos œufs, issus d’un petit poulailler de La Treille. Je suis opposé au ‘bio pour le bio’ car certains fournisseurs importent des produits de l’autre bout du monde avec des certifications douteuses”.
"Le vrai blé, ça mesure ma taille, 1,77 mètre, voire deux mètres"
Blés arrosés à l’eau de pluie
Les farines, elles, sont en revanche bio, issues de blés cultivés aux environs d’Albi, dans le Tarn, où Pierre Ragot et son cousin ont racheté une remise avec des silos, des tracteurs et un moulin. “Notre blé est arrosé à l’eau de pluie et le dérèglement climatique m’inquiète car dans les années futures, s’il ne pleut plus, on aura de quoi être pessimiste.
Le boulanger s’approvisionne aussi à 20%, dans les Alpes de Hautes-Provence auprès d’un meunier de Malijay avec “un seul argument : la qualité et la santé. Ça me blesse quand on ne parle que de nos prix. Mon pain Saint-Honoré est à 7 € le kilo, bien en deçà des prix au kilo des boulangeries conventionnelles, s’émeut l’artisan de 41 ans. Je n’ai jamais tenu secret mon coefficient de 4 et mes prix ne fluctuent qu’en fonction des variations des matières premières”.
Issu de la boulangerie dite conventionnelle, Pierre Ragot a appris le métier dans un CFA à Versailles. Sa prise de conscience est née de l’observation des pains bio “aux piètres résultats. Ils étaient lourds, compacts et pas forcément bons”. Le jeune boulanger s’est donc mis à fouiller dans les livres, a cherché, s’est documenté et accepté un poste à la boulangerie du Pain des Collines, aux Accates en périphérie de Marseille : "Leur approche a corrélé avec mes recherches et quelques temps après, en 2011, je m’installai au Vallon des Auffes”.
“Il existe du très bon pain à la levure et du très mauvais pain au levain. Et inversement”
Installation à Aix
Tatoué sur la main de Pierre, un épi de barbu du Roussillon rappelle son affection pour ce blé, “J’adore le travailler en monovariétal, il est robuste aux maladies et s’adapte aux différents climats”. Attenant à sa boutique d’Endoume, un moulin moud sur place en extra frais des blés qui seront panifés sous 24 heures. “Plus une farine est fraîche, plus elle est riche en vitamines et minéraux. Elle est aussi plus énergique et difficile à travailler, elle a de la relâche, se reprend, c’est un produit vivant”.
Après 3 enseignes à Marseille, Pierre Ragot ouvrira une boulangerie à Aix en avril prochain : "J’y placerai un chef boulanger qui aura travaillé avec moi pendant 2 ou 3 ans”.
Un boulanger qui essaime pour propager la bonne nouvelle avec, un jour, peut-être, une ouverture à Paris. ”Je ne compte pas m’arrêter là”, assure celui qui trace son chemin, celui d’une nouvelle boulangerie française.
“J’aime Marseille mais j’aime aussi Aix et j’ai toujours voulu y travailler”
Maison Saint-Honoré
41 avenue du Prado, Marseille 6e arr., 04 91 22 74 40
131 rue d'Endoume, Marseille 7e arr., 04 91 90 25 69
28 bd du Cabot, Marseille 9e arr., 04 91 25 29 68.
Articles les + lus