En 30 ans à peine, la place des cheffes a considérablement évolué. Nous avons demandé à deux d’entre elles aux parcours très différents, de nous raconter leur quotidien au piano. Delphine Roux de Madie les Galinettes, un haut-lieu des recettes provençales marseillais et Fanny Rey de l'Auberge de Saint-Rémy-de-Provence qui a fait du goût iodé la colonne vertébrale de son travail.
Fanny Rey : Bien sûr c’est gagné ! On peut devenir maman et travailler dans une brigade. Moi-même, j’ai formé beaucoup de jeunes femmes, c’est certes plus compliqué pour organiser les plannings mais plus rien n’est impossible ! Et puis l’outil de travail a évolué, nous évoluons désormais dans un esprit plus léger.
Delphine Roux : Non seulement c’est gagné mais ça n’a jamais été perdu. Dans mon cas, je me suis fait ma place très vite et je n’ai jamais été victime de sexisme ni d’attitudes déplacées. J’ai presque honte de dire que je n’ai jamais eu de souci car j’ai l’impression qu’autour de moi, toutes les femmes ont été victimes de machisme. Oui j’ai parfois fermé ma gueule mais c’était pour apprendre, jamais face aux cons.
Fanny Rey : Pas du tout, elle est aussi bien masculine que féminine, elle est personnelle.
Delphine Roux : Oui, là oui. Les femmes ont beaucoup apporté de rondeur, elles ont déstructuré les assiettes. Si les femmes ont de la fantaisie voire de la folie, les hommes répondent par la technique. C’est une vision un peu caricaturale mais c’est la mienne.
Fanny Rey : Jonathan et moi travaillons sur les sens avec très peu de sel et de matières grasses animales. L’iode, c’est la colonne vertébrale de notre travail parce que quand je suis devenue maman, j’ai pris conscience du souci de nourrir l’autre. On utilise beaucoup les torréfactions et les concentrations, ce qui nous a amené à nous intéresser au goût iodé. L’iode, c’est le cousin de l’umami, c’est un exhausteur de goût très puissant qui remplace le sel et le beurre… Et ça répond à notre besoin très important en oligo-éléments. .
Delphine Roux : Je sers une cuisine très traditionnelle provençale : des pieds-paquets, des alibofis, des daubes et alouettes sans tête, de la cuisine traditionnelle comme presque plus personne n’en sert à Marseille à part Loury et les Arcenaulx. Et ce n’est pas parce qu’on cuisine avec des produits provençaux qu’on sert une cuisine provençale
Fanny Rey : J’ai des mentors bien sûr, hommes et femmes. Je citerai Nicolas Le Bec avec qui j’ai commencé ma carrière aux Fermes de Marie à Megève. Ce qui compte, c’est ce qui se dégage de la personne, je ne regarde que le parcours et le caractère.
Delphine Roux : Georgiana Vioux. Je n’en ai pas d’autre.
La gastronomie, c’est à la fois l’histoire et l’avenir
Fanny Rey : La gastronomie, c’est à la fois l’histoire et l’avenir ; elle ne peut exister sans nos « racines d’hier » qui font appel aux techniques et savoir-faire transmis. Demain, la cuisine sera liée à l’histoire commune et à l’histoire de chacun, tout est lié. Il n’y a pas de cuisine si elle n’est pas viscérale, elle est forcément liée à chacun…
Delphine Roux : Il faut savoir se faire plaisir et tant pis si ça ne plaît pas à tout le monde, ce qui compte c’est de ne pas trahir sa personnalité. J’accueille beaucoup de touristes qui ne viennent jamais par hasard, ils me disent que c’est le taxi, le chauffeur du bus, un guide du château d’If qui les a envoyés chez moi pour découvrir l’authenticité de la gastronomie marseillaise… Alors pour moi, la gastronomie, c’est la tradition.
Delphine Roux : A Marseille, Suzanne Quaglia, Jeannine Moréni, Rose (pizzéria Chez Vincent, rue Glandevès, Simone et Jeanne Laffitte.
Fanny Rey : Elles sont nombreuses à avoir ce mérite ! Je cite la Mère Brazier et toutes celles qui ont poussé les portes de ce milieu avec force.
ADRESSES
Chez Madie les Galinettes
138, quai du Port, Marseille 2e arr. 04 91 90 40 87.
12, bd Mirabeau, 13210 Saint-Rémy-de-Provence ; 04 90 92 15 33.
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