Les Baux de Provence ou la magie des pierres

Perché sur son éperon rocheux, longtemps forteresse imprenable, le château des Baux-de-Provence et son village médiéval sont aujourd’hui un passage obligé pour tout voyageur en quête de trésors dans les Alpilles. En déambulant dans ses ruelles aux côtés de Claire Marchand et Patrick Gadler, figures locales passionnées, on découvre que derrière chaque pierre se cachent des histoires fascinantes et des légendes oubliées.
 

On aperçoit de très loin sa silhouette imposante. Le Château des Baux a longtemps été l’une des places fortes les plus redoutées de Provence. Les seigneurs des Baux, qui se disaient descendants des Rois mages, régnaient en maîtres sur la région.
"On retrouve leur emblème – une étoile à seize rais – un peu partout dans le village." nous explique nos guides.

Le château fut pourtant démantelé par Richelieu au XVIIᵉ siècle. Mais aujourd’hui, les visiteurs peuvent encore entendre le sifflement des catapultes lors des démonstrations estivales, au cours desquelles elles sont remises en action.

Ou bien encore écouter quelques joutes poétiques dans les cours d’amour des magnifiques jardins qui ont été recréés à côté du château.
Si vous avez de bonnes jambes, grimpez jusqu’à la tour Sarrasine. La vue y est imprenable et vertigineuse sur toutes les plaines alentour et le massif des Alpilles.

Creusées au cœur des Alpilles, juste en contrebas du village des Baux-de-Provence, les carrières de calcaire font partie intégrante de l’histoire du site. Elles ont été exploitées pendant plusieurs siècles pour extraire la fameuse pierre blanche des Baux, une roche calcaire fine, facile à tailler et à sculpter qui a servi à bâtir les belles maisons Renaissance du village même des Baux mais aussi des hôtels particuliers d’Arles, d’Aix ou d’Avignon mais aussi l’Opéra de Marseille. 
"Ce qui fait la magie des carrières, c’est leur dimension monumentale et leur fraîcheur naturelle, idéale en période estivale." précise Patrick et Claire. 

Jean Cocteau y tourna Le Testament d’Orphée en 1959, fasciné par les formes fantomatiques des parois blanches. Depuis 2012, elles se sont transformées en un centre d’art numérique immersif appelé Carrières des Lumières, géré par la société Culturespaces. Ce sont maintenant les œuvres des plus grands maîtres (Monet, Van Gogh, Cézanne, Chagall, Dali, Vermeer, Kandinsky…) qui dansent sur les murs, rythmées par des musiques envoûtantes. A quelques pas de là, la carrière de Sarragan, ouverte il y a un siècle et demi, est aujourd'hui le dernier lieu d'exploitation mais n’est ouverte au public que lors des journées du patrimoine.

Le village des Baux n’a pas livré tous ses secrets…
En vous promenant, levez les yeux : vous verrez encore des blasons sculptés ou peints sur certaines façades de la Renaissance. Le blason des Grimaldi est apposé sur celle de la mairie des Baux-de-Provence. C’est un rappel discret mais officiel du lien historique avec la principauté de Monaco. En 1642, Louis XIII a en effet rattaché définitivement la seigneurie des Baux au royaume de France.

Le titre de marquis des Baux fut ensuite attribué, par tradition, au prince héritier de Monaco.

Il est toujours porté par le fils aîné du prince de Monaco, en l’occurrence Jacques, fils du prince Albert II, qui poursuit les missions caritatives et de mécénat.

Dans l’église Saint-Vincent, creusée en partie dans la roche, vous pourrez admirer les magnifiques vitraux du maître-verrier Max Ingrand, offerts en 1962 par le prince Rainier III de Monaco.

Vous y découvrirez également les lithographies de Louis Jou, célèbre typographe, graveur, peintre et éditeur installé aux Baux — dont la maison-atelier est devenue un musée tout proche. Il y représente, avec une grande modernité et sobriété, le Chemin de croix.

La chapelle des Pénitents blancs voisine abrite, elle aussi, de magnifiques fresques réalisées par Yves Brayer (1907-1990), membre de l’Académie des Beaux-Arts et déjà reconnu de son vivant.

Profitez-en pour visiter le musée qui lui a été consacré par son fils, dans un hôtel particulier de la fin du XVIᵉ siècle, et qui rassemble une centaine d'huiles, d’aquarelles et de dessins.

Les Baux sont entourés de paysages mythiques. Le Val d’Enfer, juste en contrebas du village, doit son nom aux formes étranges de ses roches, sculptées par l’érosion. Il est surveillé par un éperon rocheux célèbre, baptisé « le Guetteur ». On raconte que ce lieu mystérieux inspira Dante pour l’Enfer de sa Divine Comédie.

Dans la roche et les remparts des Baux subsistent quelques maisons troglodytes, construites autrefois pour se protéger de la chaleur. Et dans les murs des remparts, on s’amuse à trouver des coquillages fossilisés, preuve qu’il y a environ 150 millions d'années, Les Baux-de-Provence étaient sous l’eau, avant que la mer ne se retire !

"Pour les amateurs de randonnées, le sentier des Calans ou la montée vers les crêtes des Alpilles offrent des vues grandioses sur la vallée." nous confie nos guides. 

En saison, on y croise parfois des choucas des tours ou des aigles de Bonelli. Tout au long de l’année, de très nombreux ornithologues ou passionnés d’oiseaux viennent les observer, tout comme d’autres espèces très rares qui nichent dans la roche ou les nombreux pigeonniers (le château possède même un rare colombarium !). Parmi celles-ci, le Tichodrome échelette, une espèce de passereau vivant essentiellement en altitude et qui adore se réfugier dans les murailles du village.

Aux Baux, l’exploitation du riche terroir fait partie intégrante de l’art de vivre. Au pied du village, dans les vallons des Alpilles, vous découvrirez des hectares d’oliveraies et de vignes caressées par le mistral, qui donne une inclinaison si caractéristique aux branchages.

C’est ici qu’est produite l’huile d’olive AOP Vallée des Baux-de-Provence, une appellation qui regroupe 16 autres villages voisins, comme Maussane-les-Alpilles, Mouriès ou Fontvieille.

Le sol calcaire, le climat sec et les vents contribuent à donner une huile au caractère unique et à la finesse incomparable. Vous pourrez découvrir les secrets de sa fabrication, et la déguster notamment au Moulin Castelas. Le mariage subtil de plusieurs variétés (salonenque, béruguette, verdale, grossane) donne une huile fruitée verte (aux arômes d’herbe fraîche et d’artichaut cru) ou fruitée noire (aux arômes de tapenade, cacao, truffe).

Les vins des Baux-de-Provence bénéficient, eux aussi, depuis 1995, de l’AOC Baux-de-Provence. Le vignoble est à 100% en bio ou en biodynamie — une appellation encore confidentielle, mais très recherchée, en raison de la grande typicité de ses terroirs.

Parmi les domaines emblématiques qui s’étendent sur les sept communes de l’appellation (Les Baux-de-Provence, Maussane-les-Alpilles, Mouriès, Paradou, Saint-Étienne-du-Grès, Fontvieille, Saint-Rémy-de-Provence), citons le Domaine de Terres Blanches, le Mas de la Dame, le Château Romanin, le Mas Sainte Berthe ou encore le Mas de Gourgonnier.

Que l’on vienne pour son histoire millénaire, ses arts, ses paysages enchanteurs ou sa gastronomie, Les Baux-de-Provence restent une destination incontournable de la région — un concentré de ce que la Provence a de plus beau et de plus vivant à offrir.