LES CALISSONS

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Publiée le lun 08/05/2017 - 02:00 / mis à jour le lun 02/08/2021 - 02:00

On ne demande pas de permission, on mange quand on veut son calisson mais c’est peut-être en accompagnant un café qu’au mieux vous l’apprécierez !

Il en est des spécialités culinaires comme de l’âme des villes qui les hébergent. L’une se reflète dans l’autre et inversement. Si Marseille s’enorgueillit de posséder la bouillabaisse, soupe rocailleuse, calcaire, iodée, violente et impétueuse, Aix-en-Provence se targue de concocter des calissons, douceurs délicates aux arômes d’amandes, aux angles bien découpés, à la surface lisse et au toucher voluptueux. Mais loin d’opposer les deux cités, le calisson rapproche Aix-en-Provence de Marseille car derrière cette confiserie, faite d'une fine pâte de melon confit et d’amandes broyés ensemble nappée de glace royale, se cache une origine lointaine. La Perse plus précisément...

Les origines du Calisson

En Perse sassanide, dès la fin de l’Antiquité, en 531-579, les pâtissiers raffolent de la pâte d’amande. Ces derniers mettent au point une pâtisserie, le lauzinaj (à l’origine du mot losange) qui désigne un canapé nappé de pâte d’amande et arrosé de sirop. Ce lauzinaj a la forme de triangles voire de losanges. C’est manifestement l’ancêtre du calisson.

On trouve des traces de ce dessert d’abord en Italie dans de nombreux traités de diététique traduits en latin. Du XIe au XIIIe siècle, les livres se succèdent : Liber de ferculis ou Tacuinum sanitatis, pour ne citer que les plus connus. Bizarrement, les auteurs, Jambolin de Crémone et Faragut, ne traduisent pas le mot lauzinaj. Pour faire simple, ils vont le transformer en utilisant le calisciono, italianisation du calisone latin. Au XVe siècle, Maestro Martino (dans son Libro de arte culinaria) donne cette recette : « tu abaisseras de la pâte, ensuite tu la couvriras de massepain et la couperas en grands, moyens ou petits morceaux que tu feras cuire à la poêle».
Dans ce même ouvrage, Martino écrit une variante de la recette en évoquant du massepain couché sur des _nevole _(« nieules » en vieux français, du latin nebulae = nuages, c’est-à-dire du pain azyme) ; le tout est cuit au four. Notre bon vieux calisson est né !

 

Dans le fameux « traité des confitures » que Nostradamus édite en 1555, le mage-médecin de Saint-Rémy-de-Provence écrit : « vous en ferez de petits tourteaulx ou de petites tarteletes toutes rondes étendues sur des oublies (« nieules ») et pourrez faire de petites quadratures en cette forme sur lesdites oublies ». Le calisson arrive par la grande porte en Provence.

Pourquoi Aix l’a-t-il choisi ? Tout simplement parce que la ville du bon vieux Roy René a longtemps abrité la bourse aux fruits secs, amandes en tête. La boucle est bouclée.

 

Entre piété et gourmandise

L’amour des Aixois pour les calissons se retrouve jusque dans le clocher de l’église Saint-Jean-de-Malte puisqu’une de ses cloches a été baptisée « la Calissonne » en 2013.

Par ailleurs, chaque année, le premier dimanche de septembre, la ville glorifie le petit losange sucré qui joua un rôle lors de la grande peste qui décima la ville en 1629. Un an plus tard, les morts se comptant par centaines, l’assesseur Martelly, à la tête des notables et du peuple, fit le vœu de dédier à la Vierge de la Seds, sainte patronne d’Aix, un office d’actions de grâces une fois l’an. Il semble que la vierge ait entendu les souffrances de la ville et mit fin au fléau. Depuis, on distribue des milliers de calissons à la sortie de cette messe pour ajouter plaisir à la piété. Qui a dit que la gourmandise était un pêché ?

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Pour acheter vos calissons, vous aurez l’embarras du choix : dans les ruelles de la vieille ville comme dans ses faubourgs, des ateliers perpétuent les mêmes gestes depuis des siècles. Et il y a fort à parier que certains de nos artisans vous proposent une démonstration en échange d’un joli sourire.
Si vous souhaitez déguster vos calissons comme les vrais pros, évitez de croquer dedans. Saisissez votre petit losange à deux doigts et cassez-le en deux ; le sucre doit rompre d’une manière franche après avoir opposé une micro seconde de résistance. Le coeur, savant mélange de fine pâte de melon confit et d’amandes broyées, révélera sa précieuse couleur dorée. Enfin, on ne demande pas de permission, on mange quand on veut son calisson mais c’est peut-être en accompagnant un café qu’au mieux vous l’apprécierez.

Dictionnaire Larousse

Friandise en pâte d'amandes à dessus glacé et à sous-couche de pain azyme

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