Immersion en culture gitane : le pèlerinage des Saintes Marie de la Mer

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Publiée le ven 26/05/2023 - 08:51 / mis à jour le ven 17/11/2023 - 09:50

La Camargue, un écrin de lumière où naissent chevaux au crin blanc, taureaux et flamants. A l'embouchure du Petit Rhône, sa capitale, les Saintes Maries de la mer, offre un évènement annuel emblématique : le Pèlerinage des Gitans. Aux rythmes de la rumba camarguaise et du flamenco, embarquez pour un pur moment de tradition mené avec passion par la famille Baptiste.

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Mise à la mer de la statue de Sainte Sara, patronne des Gitans aux Saintes Maries de la Mer.
Mise à la mer de la statue de Sainte Sara, patronne des Gitans, aux Saintes Maries de la mer

Direction les Saintes Maries de la mer :  à pied, à cheval, en bateau, tous les transports sont possibles pour découvrir la capitale du parc naturel régional de Camargue. Ses plages de sable blond et ses parfums de Méditerranée attirent de nombreux voyageurs. La ville est depuis toujours le lieu de pèlerinage des Gitans du monde, ainsi qu’une station balnéaire prisée en Provence. Je découvre un paysage unique, de grands espaces parsemés de lagunes d’où semblent me saluer les roseaux courbés par le vent. La procession a lieu chaque année les 24 et 25 mai pour conduire trois Saintes à la mer : Saintes Sara, Marie-Salomé et Marie-Jacobé. J’ai rendez-vous avec Jean-François Baptiste, l'un des porteurs des statues, dont Sara, la Sainte des gitans. Nous prenons un café au « Tourne-Broche », juste en face de l’église. Jean-François semble ici chez lui, il parle avec son coeur : « Pour moi c’est plus important de porter Sara que de gagner au loto ! ». Et c’est dire ! Il témoigne de l’amour qu’il porte à cette tradition qui perdure dans sa famille depuis près de 70 ans.  « Mon père a porté les Saintes pendant 47 ans. J’ai eu le bonheur de les porter avec lui et maintenant avec mon fils, c’est du jamais vu. »

Jean-François Baptiste

Pour moi c’est plus important de porter Sara que de gagner au loto ! 

Le mystère de Sara la Noire

Il existe plusieurs versions de l'histoire de Sara mais en vérité, nul ne sait qui elle est, ni comment son culte s'instaura aux Saintes Maries de la Mer. Une tradition camarguaise dit que Marie-Jacobé et Marie-Salomé, mères d’apôtres chassées de Palestine, accompagnée de leur servante Sara, se seraient échouées sur les plages camarguaises. Une autre tradition y voit une Gitane installée sur les rives provençales et qui, la première, accueillit les exilés de Terre Sainte. Mais pour les Gitans qui se reconnurent en elle et l'adoptèrent comme protectrice, elle est " Sara-la-Kâli ", un mot tsigane qui signifie à la fois " gitane "et " noire ". Ils venaient de loin la prier en ce lieu et ce, depuis bien avant la révolution.

Jean-François Baptiste porte les trois saintes dans son coeur. « De nombreux Gitans viennent uniquement pour Sara mais moi, je ne fais pas de différence ». C'est en 1935 que le pèlerinage a pris sa forme actuelle grâce au Marquis de Baroncelli, ami de la famille Baptiste. L'homme était un grand défenseur des traditions gardianes et soucieux de donner aux Gitans une place dans le Pèlerinage car ils n'étaient à cette époque que quelques centaines, perdus dans la foule des pèlerins de Provence et du Languedoc. Il obtint d'organiser avec les Gitans de la région cette marche vers la mer en souvenir de leur Sainte. Depuis, tous les 24 mai, la statue de Sara est portée à l'eau. Le lendemain, c’est au tour des deux autres Saintes. « On emmène les Saintes à l’endroit où elles sont arrivées. On les bénit et en même temps on se bénit. »

La procession du 24 mai, cortège en l'honneur de Sara et des Gitans

Le jour J, je retrouve Jean-François à sa caravane, juste après le Bar de l’étang. Toute sa famille est là pour partager une paella géante organisé par son cousin Michel. Il y a Payou, son frère, chargé de la communication avec les médias. Il me présente Françoise, une dame à la chevelure coiffée d’une énorme fleur rose, promenant son chien dans une poussette, qui connaît le chant officiel des gens du voyage « Djelem, Djelem ». « Moi je suis une Paye ! ( non gitane ) mais je les connais depuis leur jeunesse et leur offre des cordes de guitare depuis 20 ans pour qu’ils continuent de jouer ! ». Par ici, des Brésiliennes en tenue de flamenco qui dansent avec grâce, par là un couple d’Hollandais qui rêve d’embrasser les Saintes sur la bouche ! Le Pèlerinage des Gitans, c’est un peu comme se retrouver unis à une grande famille, qu’importe son lieu de naissance.

Le parvis et l’église sont maintenant noirs de monde. Pour Don Emmanuel, le curé de la paroisse, c'est une formidable journée de partage et de joie. Jean-François, son fils et ses neveux enfilent leurs aubes blanches. «  Dès qu’on porte, on est dans notre bulle, on ne voit plus rien autour ».

Dans la chaleur étouffante de la crypte où brûlent en continu des centaines de bougies, Sara resplendit sous ses robes colorées. Les pèlerins la touchent, l’embrassent et lui déposent prières et chapelets. Dans la salle haute, une partie des Baptiste font descendre la châsse fleurie, un coffre contenant les reliques des Saintes. « Vive les Saintes-Maries, Vive Sara ! » scandent les fidèles, mains projetées au ciel. Ceux qui y parviennent, éteignent la flamme d’un cierge juste en-dessous. Comme eux, je dépose sur le coffre mes mains, mon front et un voeu.

Dans la rue, le cortège est précédé de violons et guitares, guidé par la confrérie des gardians sur leurs chevaux. « Je porterai les Saintes tant que je marcherai ». Pour Jean-François, transmettre cette tradition est une aspiration. Et quand viendra l’heure de la passation de son aube à l’un de ses neveux, il faudra la mériter. Ne porte pas les Saintes qui le veut ! « C’est dans le coeur que ça se passe. Il faut être honnête, on ne va pas au pèlerinage si on se comporte mal dans la vie, c’est une responsabilité à tenir ». C’est bien ce qui se dégage de lui, un homme respecté et respectable.

POUR ALLER PLUS LOIN

Si comme moi vous décidez d’assister au pèlerinage des Gitans, réservez bien en avance votre séjour. Vous trouverez sur la D570 de nombreux hôtels et auberges camarguaises qui proposent des promenades à cheval et des soirées gitanes, comme Le mas de Frigoulès ou L’auberge de La Fadaise.

 

Quelques bonnes adresses à découvrir sur place

Emplettes souvenirs : Les bijoux Sara, place Jean XXIII
Dîners spectacles équestre : Théâtre equestre Camarkas
Balades à chevalPromenades à cheval de Layalle ou Le palomino

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