Qu'est-ce que (le) Caramentran ? Tout comme le carnaval, à qui il est associé, ce nom provençal date de la nuit des temps. On vous dit tout !
Il y a plusieurs orthographes, en fonction des variétés de provençal, l’origine du nom est carême-entrant, carême-prenant (entrer en carême). On peut trouver, par exemple, Carmentran, Caramantran, Quaresmentrant, Carementrant... Autrefois, Caramentran désignait les trois jours gras (dimanche, lundi, mardi) qui précèdent le mercredi des Cendres qui marque l’entrée en carême. Ces jours gras étaient là pour exorciser la pauvreté alimentaire ( le moment où les provisions d’hiver s'épuisent ) et se préparer à la nouvelle saison.
Puis Caramentran s’est appliqué à sa représentation symbolique qu’est le mannequin personnifiant le Carnaval que partout l’on promène dans les rues, le mercredi des Cendres, et que l’on brûle ensuite sur la place publique comme l’on brûlait en effigie les personnages condamnés par la vindicte populaire. En Provence, selon les régions, il se nomme Carmentran, Caramentran mais aussi Carnava ou encore paillasse, c’est-à-dire, l’homme de paille. Ce qui souligne bien son rôle de bouc émissaire. Dans le parler populaire provençal, traiter quelqu'un de caramentran, c'est se moquer de ses oripeaux aux couleurs mal assorties : « T'as vu comme tu t'habilles ? On dirait un caramentran! ».
Le caramentran, un bouc émissaire
À travers lui, c’est l’hiver qu’on juge. Il est accusé de tous les maux : épidémie, mauvaises récoltes, gel, sécheresse... Il s’agit de coutumes ancrées dans la société agricole, la paysannerie ancestrale, qui attend le printemps avec les prochaines récoltes.
Aujourd’hui, Caramentran porte tous les péchés de la communauté et on rejette sur lui tous les malheurs de l’année écoulée. On érige donc sur la place le mannequin bariolé que l’on a fabriqué pendant la période de carnaval et pour clôturer le défilé, la foule déguisée lui fait un procès. Il est jugé par un tribunal populaire composé des habitants et des représentants de tous les corps de métier.
La tradition provençale du Mercredi des Cendres
C'est le jour qui clôture la période du carnaval. Dans la religion catholique, il représente le premier jour du Carême où gras, œufs, viande, gourmandises doivent être supprimés de l’alimentation. Et pour finir en beauté le carnaval, on fait une dernière fois la fête, traditionnellement le mercredi des Cendres, lendemain de Mardi-Gras, cette année c'est le 22 février 2023.
C'est le début d'une période de jeûne et de privations de quarante jours avant Pâques. C’est pourquoi pour le Carnaval, ou Caramentran, on a le droit de faire les fous et de bien manger, histoire de se donner du courage. Il peut y avoir quelques variantes; Hélène Deltrieu avoue tricher souvent «j'organise un carnaval demi-carême car les gens aujourd'hui ont souvent peur du froid du mois de février et préfèrent un carnaval en mars». Lors de l’office le curé asperge et encense trois fois des cendres. Puis il appose sur le front des fidèles un signe de croix.
La croix ainsi tracée avec les cendres est là pour rappeler aux croyants qu’ils sont poussière et qu’ils retourneront poussière. Si le mercredi est maigre, le repas collectif du mardi est gras, d’où « Mardi gras ». Ce jour est aussi un jour de collecte qu’on appelle aussi la quête des œufs, qui se nomme en Provence, l’acampado dis iou. On mange des beignets et des crêpes (comme celles de la chandeleur, qui sont, par leur forme et leur couleur, symbole de soleil retrouvé) pour utiliser les aliments "gras" (comme le beurre) qui vient de la nécessité d'épuiser toutes les provisions d'œufs et de gras qui ne pouvaient pas se conserver pendant les 40 jours du Carême. En revanche, le repas collectif du mercredi est maigre, en général c’est l’aïoli qui a la vedette. Après le « beurre d’ail » viennent les non moins traditionnelles oreillettes.
Bibliographie:
Claude Seignolle, «Le folklore de la Provence», 1963
Jean Paul Clebert, « Les fêtes en Provence », 1982