A l'occasion de l'exposition "De Ports en Ports" au Musée Regards de Provence, les guides conférencières de Provence Buissonnière nous dévoilent leurs anecdotes sur les ports du littoral des Bouches-du-Rhône.
Mais quelle est donc cette sardine qui a bouché le port de Marseille ? Le Grand Saint Antoine est-il un comte peu connu ? De la Camargue à La Ciotat, le littoral des Bouches-du-Rhône se ponctue de ports de toutes tailles. De pêcheurs, industriels ou bien de plaisance, chacun a une histoire à révéler. De même que l'ouverture sur la mer de notre département lui confère un certain nombre d'anecdotes et de marins emblématiques. Nous avons alors demandé à Carole, Lidia et Sandrine, guides conférencières de Provence Buissonnière, de nous révéler quelques faits marquants. Pour en savoir plus, il faudra suivre leurs visites guidées liées à l'exposition "De Ports en Ports". La prochaine visite est prévue le 29 janvier.
Martigues, les joutes sport légendaire
Se promener entre mai et septembre à Martigues peut vous permettre d’assister à un spectacle assez surprenant. Deux vaisseaux s'affrontent, sur un long plateau - la teinteine - où se tiennent deux hommes munis de lances et de plastrons, avec la ferme intention de faire tomber leur opposant à l’eau. Ce sont les joutes provençales ou Targo. Pratiquée d’abord de manière traditionnelle et folklorique aujourd’hui, la joute provençale est un véritable évènement sportif. La ville de Martigues organise les joutes provençales lors de la fête de la mer et de la Saint Pierre. La légende raconte que les joutes sont apparues dans notre région, lorsque les chevaliers de Louis IX attendaient leur départ vers les croisades, à Aigues-Mortes. Pour passer le temps, les chevaliers s’affrontaient avec leurs lances et boucliers dans des embarcations légères. Au Moyen-Âge apparaît l’attribution des couleurs des embarcations, bleu pour les seigneurs et rouge pour les gens du peuple. Ces jeux nautiques sont, en réalité, bien plus anciens car déjà connus en Egypte, en Grèce et dans la Rome antique. D’autres villes de notre département maintiennent cette tradition populaire : Port-Saint-Louis-du-Rhône, L’Estaque, Cassis, La Ciotat.
Pour en savoir plus : visite guidée de Martigues avec Provence Buissonnière
Marseille, un port peut en cacher un autre
Sur 52 kilomètres de littoral marseillais, on peut compter une vingtaine de ports aux activités et âges différents. Le Vieux-Port est, de toute évidence, le pivot central et celui qui détient toutes les vocations de ce chapelet de petits ports. Vers le sud de la ville, c’est surtout pour la balade et la gastronomie marseillaise que le commun des mortels s’y rend. Du Vallon des Auffes à Callelongue en passant par Malmousque, La Pointe Rouge et Montredon les calanques se font port. De ce côté-ci, ce sont surtout les quelques pêcheurs ou marins du dimanche qui auront la chance de prendre le large. Vers le Nord c’est le Grand Port qui s’annonce, celui des ferries et paquebots qui détiennent la promesse d’un ailleurs. Au bout du chemin, L'Estaque nous rappelle la vie de village avant de laisser la place au port industriel.
Pour en savoir plus : expo “Marseille, de port en ports”, musée Regards de Provence par Provence Buissonnière
La Ciotat, La Vague
Le port de La Ciotat est connu pour la construction navale depuis l’Antiquité. Toutefois les premiers chantiers s’installent au XVIIème siècle du côté de l’Escalet et fournissent des bâtiments pour la Marine à voile grâce à une main d’œuvre déjà très qualifiée et réputée, charpentiers, calfats, forgerons… L’ère industrielle du XIXème, c’est le temps des premiers navires à vapeur et en fer. Ces paquebots, véritables géants des mers, partiront à l’autre bout du globe. Les lancements de ces gigantesques bateaux font la fierté des Ciotadens, et ce jour-là, tous les habitants endimanchés se massent sur le quai, pour être aux premières loges. Lorsque le bâtiment quitte la rampe de lancement, se forme une vague, véritable tsunami, qui submerge le quai, qui a parfois déplacé quelques véhicules et donné quelques frayeurs. Certains se souviennent encore avec nostalgie de ces inoubliables moments de réjouissance populaire.
Pour en savoir plus : visite guidée de la Ciotat par Provence Buissonnière
La Provence, terre de marins !
La Provence est une terre de marins, tonnerre de Marseille ! et certains ont connu des destins incroyables, comme ce Marseillais, fils de bouchère qui s’embarqua comme mousse à douze ans, se convertit à l’Islam et fut connu sous le nom du pirate Adraman. Il devint même pacha de Rhodes. C’est qu’au XVIIe s., tout paraissait possible. Une ambition qui fit trop de jaloux, et notre pirate marseillais servit de bouc-émissaire dans l’histoire d’un incendie à Constantinople. Accusé à tort, il est exécuté en 1706 selon l’étranglement par le cordon.
La vie de marins comporte des dangers auxquels notre grand officier de marine sous Louis XIV, le Comte de Forbin (1656-1733) et comte de Gardanne en Provence d’où il est natif, a su échapper. Engagé dans la marine, il prend part à diverses campagnes, un combat en duel lui vaut une condamnation à mort mais sera gracié, prisonnier des Anglais, il est protagoniste d’une évasion spectaculaire avec le non moins célèbre dunkerquois, Jean Bart. Des honneurs et des campagnes qui n’auront pas raison de lui, car il se retirera et vivra ses derniers jours dans son château de Saint-Marcel à Marseille.
Pas besoin d’être un grand officier pour briller de ses exploits. Calendal, célèbre pêcheur d’anchois du petit port de Cassis l’a bien compris. Calendal est le personnage littéraire du roman éponyme du félibrige Frédéric Mistral, un simple pêcheur d’anchois qui par amour pour la belle Esterelle est devenu un héros en accomplissant des exploits extraordinaires. Impossible de manquer la statue en pierre de Cassis du sculpteur Bouvier qui domine la plage sur l’esplanade Aristide Briant : Calendal, avec son bonnet phrygien, ses baies retroussés, un filet de pêche sur l’épaule nous rappelle l’importance et les traditions des petits ports de pêche de notre région.
Ces bateaux, célèbres malgré eux
Un bon marin le sait, les bateaux ont une âme : on les baptise et on leur donne un nom qui, pour certains, ont encore un écho retentissant dans l’imaginaire populaire.
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Le Grand Saint Antoine : une flûte, un trois-mats carré parti de Marseille en 1719 pour la Syrie. Il reviendra en 1720 avec à son bord des tissus précieux venant d’Orient mais aussi le bacille yersina pestis, la peste. Il sera placé en quarantaine sur l’île de Jarre et l’ordre sera donné de le brûler avec sa cargaison, plusieurs mois après son arrivée en Provence. Trop tard, l’épidémie s’était déjà propagée ravageant une bonne partie de la Provence faisant des milliers de morts.
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La Sartine : la superstition nous empêche de changer le nom des bateaux mais pas leur fonction. Ainsi, un bateau marchand peut très bien devenir un bateau de guerre, comme la frégate la Sartine qui combattait les Britanniques dans l’Océan Indien. En 1780, il navigua dans les eaux méditerranéennes quand un quiproquo pour une histoire de pavillons entraîna la mort du capitaine, et c’est ainsi que la Sartine arriva au port de Marseille. Le second, à cause d’une erreur de navigation, fit échouer le bateau contre des rochers qui coula dans le chenal de Marseille. On ne pouvait plus ni entrer ni sortir, la Sartine avait bouché le port de Marseille ! La galéjade transforma l’expression, et la frégate devint un poisson bleu très populaire !
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Le ferry boat : s'il y a un bateau populaire qui est connu jusqu’ à l’international, c’est bien le Ferry-Boat ! Trois lignes historiques fondées en 1880, qui permettaient la traversée du Vieux Port de la rive sud à la rive nord. Aujourd’hui, on prend le ferry-boat, un catamaran amphidrome à propulsion électrique de la place aux huiles à la place de la Mairie et aller-retour “pour le plus beau et plus court des voyages” (Jean-Claude Izzo) : une traversée de 283 m., un record ! la plus petite traversée maritime du monde, et là on n’exagère pas.
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