L’histoire du port de pêche de Carro, regards croisés de deux générations

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Publiée le jeu 27/01/2022 - 01:00 / mis à jour le jeu 27/01/2022 - 01:00

Fidèle à son port de pêche, Carro reste l’un des derniers villages pittoresques de la Côte Bleue enraciné dans ses traditions.

Rattaché à la ville de Martigues qui lui a permis son développement, son histoire est liée à la pêche. Rencontre avec deux générations, Jean-Claude Bresson, ancien pêcheur, co-fondateur du Petit Musée de Carro et Marc Troulier, petit-fils de pêcheur et co-auteur du livre « La Couronne, Carro, villages de la Côte Bleue »

Au commencement était la pêche…

Une chose est sûre, Carro s’est développé grâce à l’arrivée des pêcheurs. Sur le port, au-dessus du cercle St Pierre, le Petit Musée de Carro témoigne de la vie du village dédié, pendant des décennies, à l’activité de la pêche. Jean-Claude Bresson, carrossin depuis 79 ans, fils de pêcheur, pêcheur pendant plus de 40 ans, est la mémoire vive des lieux. Il nous raconte la naissance Carro : « le village de Carro est né quand les carrières de bord de mer ont été abandonnées. Les habitants de la Couronne qui étaient paysans et pêcheurs ont construit une jetée. Les premiers équipages ont été montés et les premiers cabanons se sont construits pour les abriter. C’est ainsi que Carro a été créé. » Lui qui à 14 ans tirait ses premiers filets avec son oncle se rappelle de cette vie tournée vers la mer « Je me suis régalé mais j’ai pleuré aussi. L’hiver, c’était pénible, nos mains étaient gelées. J’avais le mal de mer. Mais il fallait travailler. On était élevé à la dure. On ne nous laissait pas le choix. » Pourtant, ses plus beaux moments, il les doit à la pêche « J’ai vu de magnifiques levers et couchers de soleil, des dauphins. J’ai toujours ces images en tête. » Ses yeux brillent. Sa voix s’anime quand il évoque un temps fort : la pêche à la seinche, pêche traditionnelle du thon sur le littoral provençal.

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Jean-Claude au Petit musée de Carro
Jean-Claude au Petit musée de Carro

La seinche, (vecteur de) la richesse de Carro

Jean-Claude reste un des derniers pêcheurs de Carro à l’avoir vécue. « La seinche était une pêche communautaire, tout le village s’impliquait, chacun connaissait son poste. Tout se faisait à la force des bras, il en fallait de la force car les bestioles pesaient entre 15 et 25 kilos. La plus grosse seinche à laquelle j’ai participé, comptabilisa plus de 6000 thons. Cette participation de tous, c’était magnifique à vivre ! »

Ces grandes pêches ont permis aux pêcheurs de Carro d’équiper le port et de leur apporter un certain confort. Sur les clichés, on remarque de longues tablées joyeuses d’après seinche. Cet esprit de solidarité et de partage s’est officialisé en 1960, avec la création d’un comité des fêtes toujours actif aujourd’hui. Une grande fête estivale annuelle et des mises en lumière du patrimoine par des artistes contemporains animent le village chaque année. Pour Marc Troulier, petit-fils de pêcheur, 32 ans, vivant entre Paris et Carro « Le territoire de Carro et La Couronne est un territoire par nature accueillant, ouvert à tous et capable de perpétuer des traditions. Malgré nos vies qui se déploient ailleurs, quand on revient à Carro, on est aussitôt réembarqués dans notre histoire. »

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Fête de la Moule à Carro
Fête de la Moule à Carro

Les passeurs d’histoires

Les grandes pêches se sont arrêtées mais il reste la fierté d’appartenir à cet héritage. Les générations suivantes ne se sont pas lancées dans le métier de pêcheur, mais elles souhaitent conserver tout ce patrimoine légué au gré des histoires familiales. Marc Troulier a ainsi co-écrit un livre sur Carro avec Michel, le fils de Jean-Claude Bresson. « Nous, les fils et petit-fils, avons mis dans cet ouvrage notre vision de l’histoire de Carro. C’est un dialogue de dix années avec toutes les personnes qui ont fait le Petit Musée en apportant des photos ou des objets témoins de cette époque. C’est notre livre à tous. D’ailleurs, le meilleur moment de ce projet fut la découverte du livre imprimé avec tous les contributeurs. On laisse une trace collective et on en est fiers. »

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Livre sur l'histoire de Carro

Et l'avenir ?

Jean-Claude garde au fond des yeux la nostalgie des glorieuses années où le cercle rassemblait, en fin d’après-midi et les week-ends, tous les pêcheurs actifs et retraités pour de joyeux apéros et des parties de carte. « De 110 pêcheurs, on est passé à une petite douzaine, mais le Comité des fêtes perdure et entretient ces moments de convivialité. Il ne faut pas perdre notre côté chaleureux. »

Marc reste optimiste « La pêche a encore de beaux jours devant elle. L’activité s’est réduite mais la demande est toujours là. Le marché aux poissons est la référence de la région et attire beaucoup de monde. Il y aura toujours de la pêche car on a les ressources sous la main et les pêcheurs surfent sur la pêche locale et durable. Dans le village, l’attachement au port de pêche est profondément ancré et n’est pas prêt à s’éteindre. »

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