MPG (Marseille Provence Gastronomie) et les équipes de Provence Tourisme ont organisé une série de dîners préhistoriques dans la restitution de la grotte Cosquer. Appuyés par un comité scientifique enthousiaste, le chef Emmanuel Perrodin et son équipe ont renoué avec les goûts oubliés.
Remonter les âges pour manger comme le faisaient nos lointains aïeux, hors du temps, dans une grotte oubliée pendant plus de 30 000 ans. Voilà le scénario d’un étonnant voyage auquel ont participé quelque 486 chanceux lors des Dîners préhistoriques, servis les 23, 24 février et 3 mars dernier, dans la restitution de la grotte Cosquer, joyau immergé dans le massif des calanques de Marseille. A l’origine de cette expérience unique en France, il faut aller chercher l’équipe de Provence Tourisme qui a fait appel au chef et historien Emmanuel Perrodin.
Ce dernier, a imaginé les repas aidé de Gabriel Behara, préhistorien rattaché à la grotte Cosquer. Les deux hommes se sont appuyés sur les recherches qui avaient été menées, voilà 3 ans, par Roland Nespoulet et Christophe Lavelle, pour un dîner servi au musée de l’Homme à Paris.
Nous n’avons pas mis au menu les limaces et écureuils pourtant consommés à l’époque
L’odyssée culinaire invite à descendre à 15 mètres sous terre. Eclairé par des lanternes faites de vessies de bœuf, le public découvre la magie des concrétions pierreuses et admire les fresques rupestres. Certains laissent poindre leur inquiétude quand d’autres manifestent leur curiosité : "Je m’attends à tout, je sais que ce temps ne ressemblera en rien au modèle de l’entrée, plat et dessert qu’on connaît aujourd’hui” dit Céline devant ce chemin de table qui n’en est pas une et où chacun s’installera un peu voûté comme jadis devant les braises. Emmanuel Perrodin explique chacune des 6 étapes. Les intitulés sont oniriques : « Dans la forêt », « Sur la pierre », « Premier caillé », « le Goût du sang ». Le maître de cérémonie se garde bien d’évoquer des recettes préférant mettre en exergue des saveurs qui nous sont devenues étrangères. Un œuf confit par le froid sur écorce de bouleau, assaisonné d’un miellat, d’une infusion de silex et d’une fine tranche de jambon de chevreuil, interroge sur le binôme conservation-cuisson.
Pas de sel, pas de sucre si ce n’est du miel, le goût du rance…
“Ça n’a rien à voir avec ce qu’on connaît, c’est très déstabilisant”, reconnaît Eric qui boit un tedj (boisson à base de miel et gersho-houblon éthiopien). “J’ai cherché à me défaire d’un regard trop policé pour être au plus juste du rapport direct et parfois brutal avec le vivant”, explique Emmanuel Perrodin. Les coquillages (des huîtres fumées et des palourdes au fenouil) annoncent, tel un prélude iodé, le poireau brûlé-cuit sur pierre avec une châtaigne et un champignon garnis d’argile « en référence à la géophagie, qui consiste à manger de la terre ». Le lichen au goût acide de pétricore en couverture, évoque l’odeur de terre mouillée après la pluie et de roquefort pour beaucoup. “Ces dîners ont de quoi surprendre plus d’un palais et même notre équipe scientifique est restée sous le charme de l’association entre le lieu et le concept de ces moments uniques ” a reconnu Frédéric Prades, le directeur de la Grotte Cosquer Méditerranée. Décontenancé, ému parfois, le public s’est interrogé sur l’évolution des goûts et de la notion du bon. Une remise en cause de nos savoirs qui interroge sur ce qu’on pensait savoir du goût.