Lorsqu’arrive l’hiver, tous les regards se portent sur le village de Rognes, réputé pour son marché de la truffe et ses nombreuses truffières. Solange Jourdan lève le voile et révèle les secrets de l’imprévisible diamant noir.
Matin brumeux sur la Provence. La route sinueuse qui mène à Rognes, plongée dans un silence de coton, longe les forêts de chênes et de pins ponctuées par les vignobles des coteaux d’Aix. A quelques kilomètres du village, un chemin caillouteux conduit à la maison de Solange et Thierry Jourdan. « C’est ici même que mon père a planté sa première truffière de 700 chênes dans les années 1970 », annonce Solange qui nous accueille. Très actif dans le milieu trufficole, le papa de Solange a créé l’association Trufficulture 13, forte de quelque 70-80 membres, engagée dans la préservation de la truffe provençale et organisatrice du marché de la truffe de décembre depuis 34 ans.
Après avoir vécu dans l’enclave des papes, à Valréas, Solange et Thierry sont arrivés à Rognes en 2007 pour faire perdurer l’héritage paternel. « Mon père ne taillait pas les arbres alors que Thierry, qui a suivi une formation horticole à Vincennes, prône d'autres techniques. L'entretien d'une truffière, c'est de l'expérimentation permanente, nous sommes très attentifs à la recherche scientifique sur la nature des sols et l'entretien des plans mycorhizés ». Et les résultats sont là ! En 1971, 30% de la truffière donnait des truffes, aujourd'hui c'est 50%. Pour accompagner cet essor, le marché de la truffe de Rognes, qui fête son 34e hiver, et a été créé « parce que c'est un produit que les gourmets savourent pour les fêtes. Mais la saison s'étendra jusqu'à la fin du mois de février ».
Déguster une truffe tout simplement
« Avec mon mari, nous défendons l’origine et la qualité de la tuber melanosporum », explique Solange, membre depuis 30 ans, de la confrérie du Diamant noir et de la Gastronomie. « Après avoir subi les assauts de la truffe de Chine et d’Espagne, moins aromatiques et d’un faible intérêt gastronomique, nous devons promouvoir les valeurs de nos truffes provençales ». Invitant les amateurs à lire scrupuleusement les étiquettes, Solange alerte aussi sur les huiles aux arômes artificiels, trop puissants pour être honnêtes.
Sitôt ramassée, nettoyée et dégustée à la croque… C’est un vrai délice !
Une truffe à maturité complète se conserve au froid 8-10 jours et si jamais elle se couvre de duvet blanc, il faut immédiatement la frotter avec un linge sec et propre. Certains la plongent dans des grains de riz cru, d'autres la congèlent… Une chose est sûre : la truffe ne se cuit pas. « Il vaut mieux la râper au dernier moment sur des œufs coque ou un plat chaud comme une brouillade. Mais le meilleur, ça reste un toast grillé tout chaud sur lequel on pose une lamelle de truffe et un peu de fleur de sel, sourit Solange tout en recommandant de ne pas y ajouter d'huile d'olive ».
Transmettre le patrimoine
En 2019, Solange a fondé l’association le Cabanon de Célestin afin de faire découvrir le cavage et initier le public aux secrets de la trufficulture. Au milieu de la truffière, ce bastidon en pierre de Rognes d’un étage est bordé par un petit bassin abritant joncs et nénuphars. A deux pas de la maison familiale, il accueille les passionnés « dans une démarche pédagogique, on y explique les différentes techniques de culture et de cavage (ramassage, NDLR) ».
Emblème de la préservation du patrimoine rural, le cabanon s’ouvre à la botanique, à l’ornithologie et aux minéraux : les pensionnaires de la maison de retraite du village sont régulièrement accueillis dans ce bastidon où Thierry dispense son savoir horticole et botanique.
Quand il ne cherche pas de truffes, Youki, le petit Jack Russel joue à la balle autour de la petite bâtisse érigée en 1806, emblématique du « petit patrimoine rural privé ». « Je pense qu’il n’y a pas de race idéale pour caver, seul compte l’intérêt du chien pour la truffe et son rapport avec son maître », estime Solange qui explique qu’une tuber melanosporum peut affleurer ou, au contraire, se terrer à 30 cm de profondeur. Difficile de dire combien de personnes « font » de la truffe à Rognes et dans le département, entre secret et discrétion, les trufficulteurs entretiennent le mystère. Au fil des ans, le Cabanon de Célestin et Solange sont devenus des défenseurs du patrimoine rural et des usages ; la vitrine d’un art de vivre provençal qui s’expose tous les ans en décembre au marché de la truffe de Rognes.
Marché Truffes et Gastronomie de Rognes
Dimanche 17 décembre 2023 à Rognes organisé par l'association Trufficulture 13
Le Cabanon de Célestin
930, chemin du Jas blanc, 13840 Rognes
06 10 05 10 77. cabanondecelestin@gmail.com