Le Chaland Arles Rhône 3, un trésor national

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Publiée le mar 01/08/2017 - 02:00 / mis à jour le lun 02/08/2021 - 02:00

En découvrant les premiers fragments de bois du chaland Arles Rhône 3 en 2004, les archéologues du Département des recherches en archéologie sous marine (ministère de la culture) ne se doutaient pas qu’une opération en tout point exceptionnelle allait voir le jour six ans plus tard, à l’initiative du Département des Bouches-du-Rhône.

De nombreux bateaux, marins ou fluviaux, ont déjà été fouillés de part le monde mais rares sont ceux qui ont été renfloués ensuite afin de rejoindre les salles d’un musée. Le chaland arlésien, après avoir été dégagé, va ainsi être découpé en dix tronçons remontés un par un des eaux boueuses du fleuve, puis démonté pièce à pièce et envoyé à Grenoble par transport spécial pour y être restauré. Il faudra ensuite reconstituer ce gigantesque puzzle dans une aile du musée départemental Arles antique, spécialement construite pour ce propos, et cela avant la fin de l’année 2013.

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Le Chaland Arles Rhône 3 au Musée départemental Arles antique
Le Chaland Arles Rhône 3 au Musée départemental Arles antique

Un trésor national

Le défi n’est pas mince car le chaland mesure plus de trente mètres de long et a été daté des années 50-60 après J.-C., sous le règne de l’empereur Néron. Il s’agissait d’un bateau affecté au commerce fluvial de proximité car sa cargaison retrouvée de 25 tonnes de pierres provenait de carrières situées quelques kilomètres en amont d’Arles.

L’état de conservation est tel que le navire possède encore son gouvernail, son mat de halage, une partie de ses poulies et de ses cordages et même la cuisine des mariniers avec leurs ustensiles, leur four et la réserve de bois pour la prochaine cuisson !

Cette embarcation sera la plus complète, pour la période romaine, jamais présentée dans un musée : elle va rejoindre dans l’imaginaire collectif les drakkars vikings de Gokstad, le Mary Rose de Portsmouth (XVIeme) ou le Vasa (XVIIeme) du musée de Stockholm. L’Etat français l’a classée « Trésor national ». 

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Le chaland en excellent état de conservation
Le chaland en excellent état de conservation

Une découverte au milieu d'un dépotoir

C’est à travers un enchevêtrement de plusieurs centaines d’amphores et de poteries romaines qu’émergeait, sur une quinzaine de mètres, l’un des flancs de l’embarcation. Face à cette masse céramique, émoussée par deux mille ans d’un courant ininterrompu, les rejets modernes ponctuaient la recherche de découvertes surprenantes. Revolver déchargé, tôles froissées, voitures renversées ou journaux encore empilés constituèrent autant de rencontres anachroniques, dont il fallut s’affranchir pour accéder au chaland.

L'épave... Découverte dans le port romain d’Arelate, l’épave est située sur la rive droite du Rhône, près de la berge, où elle repose entre 4 et 8 m de profondeur. Les études préliminaires montrent que cette épave correspond à un bateau à fond plat - appelé chaland - de 31 m de longueur. Il est daté du milieu du Ier s. apr. J.-C., c’est-à-dire au moment de la monumentalisation de la ville d’Arles qui va voir se succéder la construction du théâtre et de l’amphithéâtre. L’épave, conservée depuis près de 2000 ans dans les sédiments du fleuve, est en parfait état de conservation avec son mobilier de bord et sa cargaison constituée de blocs de pierre calcaire.

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Amphores et poteries romaines
Amphores et poteries romaines

Un travail de restauration impeccable

Cette année 2011 voit donc la dernière campagne de fouille du dépotoir recouvrant le chaland et de l’épave elle-même. Au fur et à mesure de l’avancée de la fouille, l’épave est découpée en dix tronçons, extraite du Rhône puis restaurée. Ce découpage se fait à la scie égoïne, cet outil ayant pour avantage d’entraîner un minimum de perte de matière.

Le relevage... Un berceau en forme de U a été placé au-dessus du tronçon puis les lattes qui forment la base du berceau ont été positionné sous l’épave. Une fois le tronçon découpé, le berceau sera remonté sur la plateforme percée en son centre d’une « piscine ».

Le ponton est déplacé à l’aide de treuils vers le quai où une grue prend en charge le tronçon et le met sur un chariot à roulettes. Documentés puis démontés, tout en étant régulièrement arrosés, les bois sont emmenés au laboratoire Arc-Nucléart à Grenoble chargé de la restauration de l’ensemble du chaland.

Le relevage du chaland antique Arles-Rhône 3 est nécessairement une opération très complexe au regard de la concomitance des fouilles archéologiques et d’opérations subaquatiques liées au relevage de tronçons d’épave, mais aussi du fait de la dangerosité des plongées dans le Rhône et de la fragilité de cette épave vieille de près de 2 000 ans.

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Restauration du chaland Arles Rhône 3
Restauration du chaland Arles Rhône 3

Faire de la place au musée départemental d'Arles Antique

Le conseil départemental des Bouches-du-Rhône et son musée départemental Arles antique présentent, dans un bâtiment contemporain, les collections archéologiques d’Arles et de son territoire, depuis le Néolithique jusqu’à la fin de l’Antiquité tardive. Le parcours offre un aperçu global et didactique de l’histoire de la ville romaine, où le prestigieux et l’ordinaire se côtoient.

Il est l’héritier d’une longue histoire, celle qui a vu, dès le XVIe siècle, Arlésiens éclairés et pouvoirs publics, curieux du passé de la ville et de son patrimoine. Sa dimension, imposée par l’importance des collections, nécessitait un espace considérable ; c’est la presqu’île du cirque romain qui fut choisie. Par ailleurs, afin de mettre en valeur les chefs-d’œuvre, l’option retenue fut celle d’une architecture novatrice et fonctionnelle. Elle devait permettre d’assurer non seulement une muséographie cohérente et esthétique, mais aussi les autres missions du musée : conservation, restauration, et accueil des publics.

La nouvelle aile de plus de 800 m² recevra en son centre la barge Arles-Rhône 3, présentée comme si elle était à quai et visible depuis les trois sections suivantes : le port et ses activités, le commerce fluviomaritime et la navigation. Elle présentera 3 nouvelles sections : le port antique et ses métiers, le commerce et la navigation.

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Musée départemental Arles antique
Musée départemental Arles antique

À partir de ce postulat, la mutation qu’entreprend aujourd’hui le musée départemental Arles antique résulte d’une réflexion collective, entreprise dès les premières esquisses avec l’équipe du musée. Cette démarche a permis de répondre aux contraintes techniques, muséographiques, historiques et paysagères du site.

Conserver le registre formel et les matériaux voulus par Henri Ciriani, utiliser les structures existantes « en attente » pour greffer l’extension, étirer la salle d’exposition vers la ville, tout en gardant le contact visuel avec l’eau du fleuve, sont les éléments essentiels d’un projet qui présentera le bateau antique de nouveau amarré au quai qu’il a perdu depuis si longtemps.

 

Fabien Cassar

Infos pratiques

Musée Départemental Arles Antique

Presqu'île du cirque romain

BP205 - 13635 Cedex Arles

Tél: +33 (0)4 13 31 51 03

 

HORAIRES

Musée ouvert tous les jours de 10 à 18h

FERMÉ LE MARDI et Fermeture : 1er janvier, 1er mai, 1er novembre et 25 décembre

 

TARIFS

Entrée plein tarif : 8 € (Expos temporaires + collection permanentes)

Entrée tarif réduit : 5 €

Gratuit tous les 1er dimanche du mois

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