Picasso - Picabia, la peinture au défi
du 9 juin au 23 septembre 2018
Exposition chronologique et thématique, son parcours est une mise en parallèle des chefs-d’œuvre de ce tandem inattendu, de ces « frères ennemis », entre des divergences irréconciliables et une intrigante parenté notée dès le début de leurs carrières. Des débuts du XXe siècle à 1973 - date de la mort de Picasso –, ce parcours s’articule autour des expériences les plus singulières de l’art moderne, du cubisme original et de ses suites, à l’esthétique mécanique dada, du classicisme ingresque en passant par le surréalisme « monstre », de la question de la figuration et du portrait, de l’usage de la photographie ou encore d’un retour à l’abstraction à la fin de la vie de Picabia.
Avec plus de 150 œuvres (peintures, dessins, photographies, archives etc.), c’est un parcours foisonnant à travers le siècle passé qui est proposé dans les 800 m2 d’espaces d’expositions du musée Granet. L’extrême liberté artistique de Picabia et de Picasso est le véritable fil rouge de cette manifestation unique proposant un nouveau regard sur la modernité.

Francis Picabia, Andalouse (Espagnole à la mantille), 1923-1926 Aquarelle sur papier, 63 x 44 cm Collection particulière © ADAGP, Paris 2018

Francis Picabia, La Femme au monocle, 1924 Huile, Ripolin et crayon sur carton, 105 x 75 cm Collection particulière © ADAGP, Paris 2018

Francis Picabia, La main mystérieuse, vers 1938-1942 Huile sur panneau double face, 65x54cm Musée d’art moderne et contemporain, Strasbourg © ADAGP, Paris 2018 © N.Ammirati
Unis par des origines méridionales communes, l’Espagnol Pablo Picasso (1881-1973) et le Français de père hispano-cubain Francis Picabia (1879-1953), furent plus proches que ce que l’histoire en a retenu – et cela, pour une raison au moins : goûtant la même liberté d’expérimentation en art, leurs carrières respectives, pour différentes qu’elles soient, ne furent qu’une longue rupture avec l’idée même de style – cette soi-disant marque « unique » du créateur dans l’art occidental. Avec Picasso et Picabia, les métamorphoses de soi sont érigées en mode de vie. « Un peintre, disait Picasso, ne doit jamais faire que ce que les gens attendent de lui. Le pire ennemi d’un peintre, c’est le style ». Picasso et Picabia ne firent effectivement jamais ce que l’on attendait d’eux.
À l’impossible mission d’être exhaustif, Picasso Picabia propose plutôt, du fait de l’extrême richesse de leurs carrières, une traversée de l’histoire des mouvements artistiques du 20e siècle. Grâce à des œuvres étonnamment « jumelles » ou révélant au contraire des oppositions irréconciliables – à l’image exacte de leur relation –, l’exposition s’ouvre sur les débuts du cubisme vers 1907, puis s’empare de l’abstraction orphique, de l’esthétique du readymade et de la machine, du rôle de la photographie, du dessin néo-classique, du surréalisme, ou du recours, dans les années 1930 et 1940, à des expressions plastiques aussi opposées que le furent leurs sympathies politiques respectives. L’exposition se clôt sur des œuvres réalisées durant la décennie de leur disparition - en 1953 pour Picabia et vingt ans plus tard, en 1973, pour Picasso.

Portrait de Picasso dans l'atelier de la rue Schoelcher - Anonyme, Paris, 1915-1916 Epreuve gélatino-argentique, 18 x 12,9 cm Musée national Picasso Paris - Fonds photographiques © Succession Picasso, 2018

Francis Picabia à Saint-Tropez, vers 1935 Man Ray - Epreuve gélatino-argentique, 11,2 x 8 cm Collection Pierre et Franca Belfond, Paris © ADAGP, Paris 2018
Leur amie Gertrude Stein avait bien remarqué une vraie-fausse gémellité, au caractère comme au physique. Paradoxale comme l’étaient les deux artistes, Stein af rmait que l’ « on dit parfois de Picasso qu’il est un peintre français et de Picabia qu’il est un peintre espagnol ». Comme les deux faces d’une même médaille, les œuvres de Pablo Picasso et Francis Picabia attestent d’un même désir viscéral – celui de porter malgré tout l’idée selon laquelle, dans ce siècle mélancolique disloqué par deux guerres, la peinture était encore aussi vivante qu’eux-mêmes.
L’exposition Picasso Picabia se déploie selon une dizaine de thématiques suivant un l chronologique, de 1907 au début des années 1970.
CUBISMES (1907-1915)

Débutant avec les compositions de Picasso encore imprégnées de références cézanniennes et primitives des années 1907 et 1908, le cubisme est choisi en tant que premier des styles véritablement modernes unissant les deux peintres. Après des débuts classiques du côté de l’Impressionnisme, Picabia reprend à son compte, autour de 1912-1913, les acquis du cubisme, qu’il reformule de façon singulière jusqu’à l’abstraction – ce que leur ami commun, le poète Guillaume Apollinaire, baptisa « cubisme orphique ».
VERS L’OBJET (1912-1917)

Avec l’invention des papiers collés dès 1912, Picasso n’introduit rien de moins que le réel dans sa peinture, reposant ainsi les fondations même de la représentation dans la tradition occidentale. L’année où la guerre éclate en 1914, Picabia s’approprie le réel en associant à ses tableaux des titres provenant du dictionnaire. En 1915, il franchit un pas supplémentaire avec le détournement de machines, issus de revues spécialisées. Par son remploi constant de l’image reproductible dans sa peinture, la machine se révèlera plus qu’un motif chez Picabia – le principe même de son œuvre.
CLASSICISME ET MACHINISME

N’ayant jamais abandonné aucune possibilité stylistique, Picasso revient en 1915 à un dessin néo-classique. Les portraits prenant leur source autant chez Ingres que dans la photographie, sont confrontés à des machines « readymade » à la fois impersonnelles dans leur style mais aussi, selon les mots de Picabia, pourvues d’une « âme ». Bien moins opposées qu’elles n’en ont l’air, la « ligne claire » du classicisme et celle de la machine sont mises en regard pour la première fois dans une exposition.
DADA : VIE ET MORT DE LA PEINTURE

Les œuvres que Picabia réalise entre 1915 et 1922 témoignent de sa capacité à devancer les tendances de l’art comme à les traverser avec la plus grande liberté. Ainsi, quand le mouvement Dada arrive à Paris en 1920, sa verve iconoclaste redouble, comme le montre Tabac-Rat, peinture réduite à son seul cadre, que Picabia présente au Salon des Indépendants en 1922 (1919/1949, Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou). Formant un écho surprenant, la Guitare réalisée par Picasso à partir d’une simple corde et d’une serpillière (1926, Musée national Picasso, Paris) évoque, par sa radicale économie de moyens, un même esprit de transgression.
ESPAGNOLES ET HISPANITÉS

Le lien de Francis Picabia à l’Espagne via son héritage paternel est nécessairement plus indirect que celui de Picasso dont c’est la terre natale. L’imaginaire espagnol reste néanmoins une thématique fondamentale qui parcourt profondément
l’œuvre du premier ; et c’est bien lui – « le moins Espagnol » des deux – qui produira le plus grand nombre de ces représentations jouant sur l’exotisme et le stéréotype. Principalement durant les années dix et vingt, Picabia crée de manière quasi-sérielle des portraits de belles Espagnoles, qui voisinent avec quelques-uns des chefs-d’œuvre réalisés par Picasso lors de l’un de ses rares retours dans sa famille, à Barcelone en 1917.
DÉCORATION : ABSTRACTION ET OPTICALITÉ

Après la guerre semble se jouer une partition commune dans l’œuvre de Picabia et de Picasso qui introduisent l’idée de décoratif dans la peinture : dans une longue série de variations sur le genre traditionnel de la nature morte entreprises dès 1918, Picasso peint des œuvres presque géométriques dès après la guerre – dans un style baptisé par Maurice Raynal de cubisme de « cristal ». En 1922, les abstractions colorées que Picabia exécute pour son exposition à la galerie Dalmau de Barcelone forment avec ces œuvres de Picasso un contrepoint formel entièrement inédit qui interroge la prégnance du décoratif dans leurs œuvres des années 1920.
MONSTRES ET MÉTAMORPHOSES. LE SURRÉALISME DISSIDENT

En 1924, Picabia quitte Paris, brouillé avec André Breton et le surréalisme naissant. Il s’installe sur la Côte d’Azur dans une nouvelle demeure qu’il fait bâtir à Mougins, partageant avec Picasso ce qu’il appelle cette « grande envie de soleil » qui ne le quittera pas sa vie durant. C’est en voisin de villégiature dans la région cannoise que Picasso et sa famille lui rendent visite notamment durant les étés 1925 et 1926. Les œuvres profondément individuelles qu’ils exécutent alors révèlent un dialogue formel plus direct que jamais. Le strident Baiser de Picasso (1925, Musée national Picasso-Paris) évoque ces étreintes « monstres » et ces couples de carnaval, peints au Ripolin, que Picabia entreprend dans le Midi et dont l’exposition montre quelques-uns des plus beaux exemples.
LIBERTÉ OU RÉACTION. LES ANNÉES 1930 ET 1940

Il faut attendre la montée des périls fascistes et notamment de la guerre d’Espagne au milieu des années 1930 pour que les œuvres de Picasso et de Picabia s’opposent de façon spectaculaire. L’exposition questionne le genre du portrait féminin et son importance dans l’œuvre des deux peintres, durant ces deux décennies. Deux conceptions hétérogènes de la peinture semblent ainsi se faire jour : ayant professé un nouveau classicisme humaniste dès la n des années 1920, c’est avec un style figuratif appuyé et tributaires de sources photographiques issues des magazines que Picabia exécute de nombreux portraits féminins avant la guerre. Chez Picasso au contraire, la veine presque sacrilège qui préside aux déformations des portraits des femmes aimées ou amies semblent leurs pendants désespérés et bouffons.
FINS DE PARTIE

Après la seconde Guerre Mondiale, l’image de franc-tireur de l’art, de pionnier de l’abstraction et de gure historique du dadaïsme de Francis Picabia attire à lui une nouvelle génération d’artistes, de Pierre Soulages à Georges Mathieu. L’exposition montre une sélection d’œuvres des dernières années du peintre au tout début des années 1950, en particulier les Points, dont la matière grasse et la monochromie parlent autant de la capacité de résistance de la peinture que de sa fragilité. Vingt ans plus tard, vers 1970, Picasso continue inlassablement sa quête d’une guration radicale avec des portraits d’homme qui semblent encore de nouvelles expérimentations picturales menées jusqu’à la n de son existence de peintre.

Pablo Picasso et Francis Picabia, Juan-les-Pins, Été 1930 Photographie d'époque, 12,1 x 7,6 cm Fundacion Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte, Archives Olga Ruiz-Picasso © Succession Picasso, 2018 © ADAGP, Paris 2018
Infos pratiques
Place Saint-Jean de Malte 13100 Aix-en-Provence Tél. : +33 (0)4 42 52 88 32
HORAIRES : Du mardi au dimanche de 10h à 19h du 9 juin au 23 septembre 2018. Fermeture le lundi.
TARIFS: Inclus dans le droit d’entrée au musée Granet : site St-Jean de Malte et site Granet XXe, collection Jean Planque.
Tarif plein : 10 € / Tarif réduit : 8 € / Gratuité : moins de 18 ans
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