La Méthode, groupe de rap engagé

Publiée le ven 16/06/2017 - 02:00 / mis à jour le lun 02/08/2021 - 02:00

A l'occasion de la sortie de leur nouveau clip aux allures de Breaking Bad « Le Produit », BZA, Fred et Pak Dj’een, tous trois membre du groupe de rap marseillais La Méthode, reviennent sur leur musique engagée et n'hésitent pas à donner leur avis sur la nouvelle génération de rappeurs. Rencontre.

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La Méthode
La Méthode
Parlez-moi de votre premier album « Adrénaline » : comment vous l'avez fait, comment vous avez choisi les featuring etc.

BZA : C'est simple : les compositeurs - Fred, Pak Dj’een, Slykast - commencent par énormément composer, puis on se fait une grosse session d'écoute et ensuite les MC's - K-Méléon et moi - on trouve le thème en s'inspirant de la composition. On écrit le texte et on enregistre. Pour les collaboration, ça s'est fait au culot. Lady Leshurr on l'a rencontré sur un concert à Marseille, on l'a chopée, elle a kiffé notre son et le lendemain elle enregistrait avec nous. Pareil avec Reverie avec qui on a même fait une vidéo. Pour Akhenaton, j'ai envoyé un message à Imhotep sur Facebook qui lui a transmit et voilà. Big up à deux d'ailleurs. Faire un morceau avec lui c'est un peu une consécration pour nous. On a sorti tout ça tant bien de mal avec notre label Super Records et le distributeur Modulor. C'était un peu galère parce que déjà on est indépendant et puis il y a tellement de groupe déjà sur le marché que c'est dur de se faire une place, surtout face aux maisons de disque. Mais bon malgré tout, on a sorti l'album, et on est content !

Comment a évolué musicalement La Méthode au fil des années ?

BZA : On a eu une évolution assez atypique. On a changé de style parce qu'on trouvait que ce qu'on faisait avant c'était pas assez mature. On travaillait beaucoup sur la forme mais pas assez sur le fond. On a tout revu, on est reparti de zéro et aujourd'hui on a réussi à créer notre propre univers. 

 

Pak Dj’een : Avant, on faisait des morceaux plus festifs. Aujourd'hui on garde un peu ce côté-là mais on essaye surtout de parler des thèmes qui nous tiennent à cœur. Avec la maturité on s'est dit que c'était le bon moment.

Quels thèmes par exemple ?

BZA : Les thèmes de société comme l'abrutissement général ou l'addiction à la drogue. Il suffit d'allumer sa télé ou de regarder autour de soi pour en trouver.

 

Fred : Les thèmes c'est pas ce qui manque !

 

Pak Dj’een : On en discute tellement entre nous qu'à un moment donné on ressent le besoin de les intégrer à nos chansons. On est là à faire des débats pendant trois heures donc autant s'en servir.

En quoi c'est important en tant qu'artiste de parler de ces thèmes-là ?

BZA : Déjà parce qu'il n'y a plus tellement de groupes qui le font au final, hormis les anciens comme Oxmo Puccino ou IAM. Aujourd'hui le rap c'est du divertissement : on fait la fête, on bouge, on met des meufs à poils dans les clips. Des nos jours, j'ai l'impression que les gens ont tendance à fuir la réalité et nous on est là pour leur rappeler que la vie n'est pas rose et surtout pour les faire réfléchir.

 

Pak dj’een : En tant qu'artiste, on a aussi une certaine responsabilité surtout quand on voit le rap d'aujourd'hui qui a tendance à être très violent. Alors oui à notre époque aussi on trouvait des morceaux comme ça mais franchement c'était pas autant hardcore ! Aujourd'hui, les rappeurs font que parler de shit, de la prison, du sexe ou de l'argent. Des fois c'est juste gros mots sur gros mots. Ils se prennent pour Scarface mais ils ont tendance à oublier que Scarface à la fin il meurt tout seul comme un con. C'est chaud quand même ! Et le problème c'est que les gamins répètent ce qu'ils entendent.

 

BZA : C'est un peu malsain. Après chacun son avis mais pour moi ce genre d'artistes ils profitent de la crédulité et la fragilité des jeunes pour faire passer leur merde en leur vendant du rêve avec leur Lamborghini, leur thune et leur nanas. Et c'est pour ça que ça marche !

« Les rappeurs d'aujourd'hui se prennent pour Scarface mais ils ont tendance à oublier que Scarface à la fin il meurt tout seul comme un con »

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BZA, Fred et Pak Dj’een
BZA, Fred et Pak Dj’een
Mais encore ?

Fred : Heureusement pas tout les jeunes écoutent ce genre de musique. On est dans le pays des amalgames, n'en faisons pas nous non plus. Mais en effet, c'est super grave ce qu'il se passe quand on écoute cette nouvelle génération de rappeur. Quand t'entend des minots chanter leur refrain c'est choquant ! Il est où le CSA là ? Nous à notre époque les artistes ils revendiquaient de vraies choses, là non.

 

BZA : Malheureusement, je constate que les gens sont plus attirés par nos morceaux festifs que par nos morceaux engagés. Ils ont envie de s'amuser, de s'enjailler comme disent les jeunes. Ça les fait chier de parler des choses sérieuses. Nous aussi on adore le flow, la musicalité, la technique, mais on ne peut pas faire que ça sinon ce serait fermer les yeux. 

 

Pak dj’een : Je me rappelle quand y avait Jean-Marie Lepen au second tour en 2002, tous les artistes s'étaient mobilisés. Alors que là, en 2017, tout le monde s'en foutait. 

 

BZA : Ils continuent à faire leur promo, à faire le clip. Ils avancent avec des œillères en fait. Aujourd'hui c'est la course au like, y a plus que ça qui compte.

Le rap c'était mieux avant ?

BZA : Personnellement, je trouve que dans le rap on tourne en rond depuis 10 ans. Je m'explique : dès que je vois la nouvelle vidéo de certains rappeurs, je sais déjà comment ils vont bouger, quelle instru ils vont utiliser ou ce qu'ils vont dire dedans, et ce avant même de cliquer dessus. Ça manque cruellement d'originalité et de diversité. Avant c'était le contraire. Quand on voulait écouter du hardcore y avait Lunatic, du festif y avait Saian Supa Crew etc. Et en plus c'était super bien fait. Alors oui heureusement aujourd'hui il y a encore des groupes sympas mais il faut les chercher alors qu'avant on nous les servait sur un plateau. C'est ça la principale différence. Donc je dirais, le rap c'était mieux avant ? Oui et non. 

 

Fred : Et puis c'était pas le même public, pas la même génération, pas la même éducation. A l'époque y avait même pas internet ! Aujourd'hui n'importe qui peut faire le buzz, et tout le monde copie tout le monde. C'est entièrement stéréotypé.

 

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La Méthode
La Méthode
Et le hip-hop américain d'aujourd'hui, vous en pensez quoi ?

BZA : On écoute tous beaucoup de hip-hop américain parce qu'on se reconnaît pas forcément dans le rap français d'aujourd'hui au niveau musical. Et il faut le dire quand tu cliques sur une vidéo d'un artiste américain, tu sais que tu vas avoir quelque chose d'original. Ils ont une réelle personnalité, un vrai monde à eux. Attention, je parle de ce que font les rappeurs underground parce que le mainstream là-bas c'est la même chose qu'en France. Je rêve un jour d'allumer ma radio et d'entendre un groupe français d’aujourd’hui me mettre une gifle autant avec le texte qu'avec la musique.

C'est plus dur en tant qu'artiste d'être à Marseille qu'à Paris ?

Fred : A Paris, c'est clair, tu as plus de structures, plus de lieux. Ça bouge plus et donc tu as plus de chance de te faire les bonnes rencontres. Le problème c'est qu'il y aussi plus de concurrences. 

 

Pak Dj’een : A Marseille, on est trop attente. Les choses ne viennent pas d'elles-mêmes, il faut aller les chercher, et ça les Parisiens ils l'ont bien compris. Faut arrêter de compter sur les autres et compter que sur nous même ! 

 

Fred : Comme on dit : quand tu veux tu peux ! Et heureusement, on avance ensemble. On est une communauté très soudée. Il y a beaucoup d'artistes ici qui sont dans le partage, dans la fraternité. Par exemple, on a été invité par Oai Star à la sortie de l'album, et ça c'est tout en leur honneur. 

 

BZA : Big up à Gari Greu au passage.

Quels sont vos projets ?

BZA : On travaille déjà sur le deuxième album puis là y a des nouveaux clips qui vont sortir pour clôturer la promotion d'"Adrénaline". En parlant de ça, on vient de sortir "Le Produit", notre nouveau clip réalisé par Beat Bounce qui a notamment travaillé avec Lacrim, Ridsa et Benjamin Biolay. Et puis sinon on a plein de date de prévu dans les alentours cet été !

 

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