Lucie et Frédéric Paez, producteurs de poutargue à Port-de-Bouc

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Publiée le mar 15/12/2020 - 01:00 / mis à jour le mar 15/02/2022 - 01:00

Lucie et Frédéric Paez fêteront bientôt leurs 10 ans à la tête de la conserverie artisanale La Saveur des Calanques à Port-de-Bouc. Leur spécialité ? La poutargue de muge, un produit d’exception fortement ancré dans le patrimoine local.

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Pour mieux préserver les qualités gustatives de la poutargue, vous la trouverez, très souvent, enrobée d'une fine couche de cire alimentaire

C’est un virage à 90 degrés que Lucie et Frédéric prennent en 2010, en quittant leur entreprise d'édition à Saint-Etienne, dans la Loire, pour reprendre une conserverie de poissons située à Port-de-Bouc. « Lucie est historienne, je viens de l’aéronautique mais nous avons toujours été passionnés par la gastronomie » lance Frédéric.
En 2007, déjà, ils imaginent le site web Plaisirs gourmands, l’un des premiers sites e-commerce destiné au tourisme culinaire : « L'idée était de faire découvrir nos régions à travers les traditions et spécialités artisanales ». Cette expérience leur donne l'envie de se lancer à leur tour en tant qu’artisans. Au départ, capitalisant sur la formation d'historienne de Lucie, ils souhaitent remettre des recettes historiques au goût du jour. Mais rapidement l'idée de sauvegarder une spécialité gastronomique déjà existante s’impose.
Le jeune couple visite de nombreuses entreprises artisanales à la vente avant de tomber sous le charme d’une petite conserverie de poissons à plusieurs centaines de kilomètres de chez eux. Mais si le coup de foudre est immédiat, s'intégrer à Port-de-Bouc et dans le monde de la pêche prend plus du temps comme le confesse Frédéric : « Je viens de Toulon, Lucie est Bretonne, mais dans l’esprit des locaux nous étions “Les Parisiens”. Notre intégration a pris du temps ! »

De l'édition aux poissons

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Fabrication de poutargue à Port-de-Bouc

Une tradition ancestrale

La première fois qu’ils goûtent la poutargue, cette poche d'œufs de poisson, salée et séchée, ils trouvent le goût « surprenant »… « Nous avions tellement envie d’aimer ça, nous étions un peu déçus ! Mais l’histoire du produit et de la famille de pêcheurs à la tête de l’entreprise nous a séduit immédiatement » se rappellent Frédéric et Lucie, végétariens et amateurs de poissons tous les deux.

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Séchage de la poutargue
Séchage de poutargue

De Martigues à Port-de-Bouc la poutargue, aussi appelée “caviar du pauvre” fait véritablement partie de l'histoire du patrimoine local. Les pêcheurs l’aiment avec du pain et du café au lait sucré le matin et avec du pain et du beurre le midi pour accompagner la soupe de poissons. « Aujourd’hui, il y a un phénomène de mode autour de la poutargue. Mais pour les habitants de Martigues et de Port-de-Bouc, la poutargue c’est culturel. Beaucoup de familles économisaient pour pouvoir s’en offrir pour les fêtes » nous précise le couple. Frédéric et Lucie, qui ont reçu le label Entreprise du Patrimoine Vivant, sont donc très fiers d'être parmi les derniers fabricants d’une poutargue locale et de préserver une tradition ancestrale. Et dans le laboratoire de leur petite conserverie, ils répètent soigneusement les gestes que des générations de pêcheurs ont exécuté avant eux.

Une fabrication secrète

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Acheter sa poutargue traditionnelle à Port-de-Bouc à la Conserverie des Calanques
Découvrir la poutargue de la Conserverie des Calanques

À la reprise de l’entreprise, en 2011, ils sont accompagnés pendant 6 mois par les anciennes propriétaires qui imposent une seule condition pour transmettre leur savoir : Frédéric et Lucie n’ont pas le droit de prendre de notes, la transmission doit se faire à l’oral uniquement. Car la fabrication de la poutargue est très confidentielle et chaque pêcheur protège jalousement sa recette.

Frédéric, généreux, accepte tout de même de nous dévoiler quelques étapes de la fabrication : « Il faut du temps et des œufs de qualité pour une bonne poutargue. D’abord il faut déveiner les poches. C’est une opération délicate. Ensuite il faut les faire sécher avant affinage ». Et de préciser : « Notre poutargue est vendue sous vide, dans la pure tradition. Surtout pas enrobée de paraffine ». Un travail artisanal méticuleux qui a séduit le chef étoilé Pierre Hermé lors d’une dégustation à l’aveugle. « Cette reconnaissance est très gratifiante. Quel plus beau métier que celui de vendre directement le fruit de son travail ? » sourit Frédéric qui nous confie qu’il ne regrette absolument rien de son changement de vie : « Même si on ne fait pas fortune, devenir artisan a tout changé dans nos vies. Nous aimons travailler de nos mains et perpétuer une tradition unique.

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